Plaisir d’apprendre
Publié en avril 2011. Par Jean-Louis de Montesquiou.
« La jeunesse, c'est le temps qui nous reste à vivre » disait Mitterrand. Le propos est non seulement consolant, mais aussi fort sagace. La jeunesse, n'est-ce pas, c'est le temps de l'apprentissage ; or voilà bien une activité que l'on peut – que l'on doit – poursuivre jusqu'à son dernier souffle. Victor Hugo tenait encore, à l’âge respectable de 46 ans, un « Journal de ce que j’apprends chaque jour ». « J’ai remarqué, écrivait-il, qu’il ne se passe pas un jour qui ne nous apprenne une chose que nous ignorions (...) Souvent même ce sont des choses que nous sommes surpris et presque honteux d’ignorer. »
Apprendre est non seulement un moyen de conserver des neurones actifs et productifs, c'est aussi un plaisir, et même, pour Épicure, « un plaisir en mouvement », supérieur donc aux « plaisirs statiques » (la simple absence de douleurs ou de tracas, pour faire simple). On peut considérer, du moins à partir d’un certain âge, que l’activité d’apprendre est « autotélique » : c'est-à-dire qu’elle n’a pas d’autre finalité qu'elle-même, n’est asservie à aucun but extérieur – comme l’acquisition d’un surcroît de connaissance, par exemple. La connaissance, en effet, comme le tonneau des Danaïdes qui se vide à mesure qu'on le remplit, est sans fin. Elle n’est pas, selon Épicure, la récompense du plaisir d’apprendre, mais son accompagnement : le « plaisir va du même pas que la connaissance » dit-il; « apprendre et jouir vont ensemble ».
Le plaisir d'apprendre est, en plus, tout sauf un plaisir égoïste. Car s’il est bien quelque chose que l'on peut partager, ici bas, c'est l'information ou la connaissance, voire une petite citation par-ci par-là ; partage discret, amical, au hasard d'une conversation, pas forcément érudite, d’un échange gratuit de bons procédés entre gens de même propos. Enfin, ce n'est pas non plus un plaisir exclusivement livresque, loin de là. On apprend en conversant (beaucoup), en se promenant, en écoutant la radio (certaines), en méditant, ou en voyageant – car pourquoi voyager si ce n’est pour apprendre ? Apprendre, lire, voyager : trois facettes du même plaisir. L'incontournable Victor Hugo l'avait bien vu : « voyager, c'est lire ; lire, c'est voyager» écrit-il dans Choses vues.
Enfin, dernier avantage, il n’y a pas, hormis la durée du jour, de limite au plaisir d’apprendre, ni de contraintes majeures. Apprendre est donc infini. Comme la connaissance. Et comme la jeunesse.