Le psoriasis, moteur de l’histoire

Vladimir Nabokov, Pablo Escobar, Staline et la chanteuse Cyndi Lauper ont un point commun, nous apprend l’écrivain espagnol Sergio del Molino dans son dernier livre. Tous souffrent de psoriasis, une maladie inflammatoire chronique qui se traduit par l’apparition de plaques rouges sur la peau. Dans La piel, del Molino entremêle sa propre expérience du psoriasis à celle de personnages célèbres. S’il explique s’être longtemps senti emprisonné dans sa peau, humilié par ce qu’il concevait comme une monstruosité, del Molino ne cède « ni à la complaisance, ni à l’exhibition de la souffrance », apprécie Elena Hevia dans le quotidien catalan El Periódico.

L’auteur note que le psoriasis a largement façonné sa vision du monde. Parce qu’il redoutait le regard des autres, il a développé un goût pour la solitude et une tendance à la paranoïa. Chez Nabokov, cela s’est traduit par une conscience aigüe de son corps, frisant l’obsession. « Tout irait bien sans cette maudite peau », écrit-il à sa femme Véra en février 1937. Souffrir d’une maladie aussi stigmatisante que le psoriasis conduit bien souvent à la haine de soi, souligne del Molino. Et il n’est pas rare que la haine de soi se transforme en haine des autres.

« Je soutiens que la pulsion meurtrière de Staline découle en grande partie du malaise qu’il éprouvait vis-à-vis de son corps […]. Beaucoup d’historiens sous-estiment l’influence de ces choses triviales sur les décisions humaines et les processus historiques. Mais je suis convaincu que si Staline n’avait pas eu cette maladie de peau, s’il avait eu une autre rapport à son corps, l’URSS aurait été complètement différente », estime l’écrivain dans le quotidien conservateur La Razón.

Pour séduisant que soit ce raisonnement, il peine à convaincre : « En plus de tomber dans le piège de la causalité unique, cette thèse comporte un danger supplémentaire : faire de l’histoire le produit du comportement individuel de quelques héros et de quelques méchants », objecte Carlos Pardo dans le quotidien El País.

À lire aussi dans Books : L’intelligence monstre de Staline, janvier 2015.

LE LIVRE
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La piel de Sergio del Molino, Alfaguara, 2020

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