Pulp fiction catalane
Publié en juillet 2020. Par Pauline Toulet.
Avec La musa fingida, Max Besora est bien décidé à « dépoussiérer la tradition littéraire catalane », comme il l'explique dans la revue culturelle Pliego Suelto. Connu pour ses romans volontiers sardoniques, l’écrivain barcelonais emprunte cette fois à des genres dits mineurs, tels que le gore ou la science-fiction, pour raconter une sanglante histoire de vengeance. « Si vous n’aimez pas un tant soit peu les films de Tarantino, ce livre n’est pas pour vous », prévient Magí Camps dans le quotidien La Vanguardia.
Sanglante histoire de vengeance
Le père de la famille Holopherne est un catholique fervent qui, pour « extraire Satan » du corps de sa fille Mandy Jane, entreprend de la violer à répétition. Celle-ci finira par se révolter dans un déferlement de violence. Aussi minimaliste que soit l’intrigue, elle permet à Besora de camper une série de personnages ubuesques. À l’instar des employés de la boucherie Pompeu Fabra – du nom du grammairien à l’origine de la standardisation de la langue catalane –, qui n’hésitent pas à hacher menu les clients qui ne s’expriment pas dans un néo-catalan parfait. Ou encore Manuel, le hamster de la famille, qui, pour des raisons non explicitées, est doué de parole et exhorte les animaux à faire la révolution contre les humains avec la verve d’un Salvador Allende.
Surréalisme grotesque
« Tout lecteur familier du surréalisme grotesque, de l’humour excentrique, des intrigues décousues et des parodies linguistiques de Besora pourra confirmer qu’il est ici à son meilleur », se réjouit Ponç Puigdevall dans l’édition catalane du quotidien El País. « Le livre est subversif dans le fond comme dans la forme, renchérit Jordi Nopca dans Llegim, le supplément Livres du quotidien catalan Ara. Dans la première partie du roman, il n’y a ni point, ni virgule ».
Besora prend effectivement un malin plaisir à subvertir la langue, à l’émailler de spanglish et de formules argotiques. Ce jeu linguistique se double d’un jeu métafictionnel : le personnage de Mandy Jane apostrophe son créateur et lui reproche la façon dont il l’a représentée. Elle lui intime même de réécrire certains passages qu’elle trouve sexistes et, ce faisant, se mue en « vengeresse de toutes les femmes chosifiées par les romanciers ».
À lire aussi dans Books : Vague de science-fiction néo-nazie, septembre 2009.