Requiem pour les livres perdus
Publié le 22 décembre 2017. Par La rédaction de Books.
Les manuscrits des 120 Journées de Sodome du marquis de Sade et des Manifestes du surréalisme d’André Breton ont été classés trésors nationaux cette semaine. Une manière de sauvegarder ce patrimoine. En littérature « les pertes ne sont ni une anomalie, ni un pervertissement, ni une exception » note le critique littéraire Stuart Kelly. « C’est la norme. » Il a consacré un ouvrage, The Books of Lost Books, aux livres perdus, détruits ou restés inachevés : des œuvres de jeunesse d’Ernest Hemingway volées avec la valise qui les contenait dans un train suisse en 1922, aux Mémoires de Lord Byron mises au feu par son éditeur et biographe qui les jugeait si choquantes qu’elles auraient oblitéré toute son œuvre, en passant par Le Voyage sentimental inachevé de Laurence Sterne dont la dernière phrase est passée à la postérité (« Si bien qu’en étendant la main hors du lit, je saisis la femme de chambre par le… »).
Parfois la perte de son œuvre vaut mieux pour la réputation de son auteur, rappelle Kelly. Il conte la mise au jour des pièces de Ménandre, auteur comique grec du IV siècle avant notre ère. Ses derniers manuscrits connus avaient disparu à Constantinople il y a des siècles. Mais les éloges de César, Quintilien, Aristophane ou Plutarque lui avaient garanti une place au panthéon littéraire. Jusqu’à ce qu’on retrouve des fragments de son œuvre. Et notamment sa pièce Le Dyscolos. Une première partie reparaît lors d’une fouille en Egypte en 1905 ; cinquante ans plus tard le morceau manquant est trouvé à Genève. Ces fragments ont été patiemment rassemblés, traduits puis mis en scène, pour le plus grand malheur des spectateurs et des spécialistes. Le traducteur avoua que c’était loin d’être une œuvre majeure, tandis qu’un historien qualifia alors Ménandre d’« Euripide de province ».
A lire dans Books : Au bonheur de l’automate, septembre-octobre 2016.