« Très Saint-Père, voici une lettre du Guatemala »

Fin 2018, l’écrivain guatémaltèque Rodrigo Rey Rosa envoya une lettre au pape François dans laquelle il lui demandait d’intercéder en faveur d’une communauté maya menacée d’expropriation par l’Église catholique. Sa missive ne reçut pas de réponse, aussi décida-t-il de poursuivre sa requête avec les armes qui sont les siennes : la fiction. Son roman, Carta de un ateo guatemalteco al Santo Padre, raconte justement le combat d’une confrérie maya dont les terres se voient confisquées par l’Église. Et le personnage principal est un universitaire spécialiste des religions comparées, un certain Román Rodolfo Rovirosa, dont le nom rappelle curieusement celui de l’auteur.

Les mayas contre Rome

Ce n’est pas la première fois que l’écrivain guatémaltèque aborde sous l’angle de la fiction les abus de pouvoir dont sont victimes les populations amérindiennes. Déjà dans son livre précédent, El país de Toó, il dépeignait le conflit agraire qui opposait, dans un petit pays imaginaire d’Amérique centrale, une communauté maya à de puissantes compagnies minières. « Mais la différence, c’est que cette fois Rodrigo Rey Rosa complète son cycle de romans tirés du réel en espérant que son livre aura une incidence sur le réel en question » pointe Winston Manrique Sabogal, fondateur de la revue littéraire Wmagazín.

La fiction pour alerter le Saint Père

À l’origine du roman, la rencontre de Rodrigo Rey Rosa avec deux avocates qui défendaient la cause d’une confrérie Cakchiquel, issue de l’ethnie maya. Non seulement cette communauté religieuse avait été expropriée de ses terres, dont l’Église revendique la propriété, mais elle avait également été excommuniée. Comme bon nombre de confréries mayas, qui furent contraintes d’embrasser le catholicisme lors de la conquête espagnole du Guatemala, les Cakchiquel pratiquent une religion qui mêle certains rites chrétiens à d’autres coutumes datant de l’époque précolombienne. Et ce syncrétisme ne plaît guère aux autorités de l’Église, pointe le romancier. « Rodrigo Rey Rosa lève le voile sur ce qui se trame dans les coulisses du pouvoir de son pays, sur ces conflits anciens qui perdurent encore aujourd’hui, grâce à une histoire bien construite et provocante à souhait », se réjouit Federico Aguilar dans le quotidien en ligne El Imparcial.

À lire aussi dans Books : Guatemala : qui a tué l’évêque ?, décembre 2008/janvier 2009.

LE LIVRE
LE LIVRE

Carta de un ateo guatemalteco al Santo Padre de Rodrigo Rey Rosa, Alfaguara, 2020

SUR LE MÊME THÈME

De l’avantage d’être un État fantôme
Lu d'ailleurs Médiocres milléniaux
Lu d'ailleurs Espionne et mère de famille  

Dans le magazine
BOOKS n°123

DOSSIER

Faut-il restituer l'art africain ?

Edito

Une idée iconoclaste

par Olivier Postel-Vinay

Chemin de traverse

13 faits & idées à glaner dans ce numéro

Chronique

Feu sur la bêtise !

par Cécile Guilbert

Voir le sommaire