Tout bien réfléchi
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Tout sur tout, vraiment ?

Des starlettes de la téléréalité à Saint Augustin, du Sudoku à la vertébroplastie, Wikipédia semble savoir tout sur tout. Même comment fabriquer un réchaud à alcool avec une canette de soda. En quinze ans, « le projet d’encyclopédie libre que vous pouvez améliorer » a gonflé, gonflé soutenu par sa communauté et sa gratuité. Mais le site est-il plus qu’un simple forum de discussion amélioré ? Pour cet article du New Yorker, traduit par Books au printemps 2010, Stacy Schiff passe de l’autre côté de l’écran, à la recherche du savoir de Wikipédia.

 

Le 1er mars 2006, l’encyclopédie interactive Wikipédia passait la barre du million d’articles en ligne avec une page sur Jordanhill, gare de la banlieue de Glasgow. Son auteur, Ewan MacDonald, publia une seule phrase sur la gare à 23 h 00, heure locale ; au cours des vingt-quatre heures qui suivirent, la page fut modifiée plus de quatre cents fois par des dizaines de personnes. On apprend ainsi que Jordanhill est la « 1029e gare du Royaume-Uni pour le trafic de passagers » et que « tous ses guichets sont désormais automatiques ». L’Encyclopædia Britannica, qui fait depuis plus de deux siècles figure d’étalon-or des ouvrages de référence, ne compte que 120 000 articles dans sa version la plus complète. Il semble que les encyclopédies traditionnelles n’aient jamais pensé que quiconque puisse se poser des questions sur le sudoku ou la prostitution en Chine. Ni, d’ailleurs, sur le syndrome de Capgras (l’impression glaçante qu’un de vos proches a été remplacé par un sosie), le parti Rhinocéros du Canada, la maison de Bill Gates, la guerre anglo-zanzibarienne (qui dura une quarantaine de minutes) ou l’islam en Islande (1). Wikipédia contient de bons articles sur Kafka et la guerre de Succession d’Espagne, ainsi qu’un guide complet des bâtiments de la marine américaine, une page magistrale sur le Scrabble, une liste de chats célèbres, des remèdes contre le hoquet et un article qui explique, schémas à l’appui, comment construire un réchaud à alcool avec une canette de soda.

Ces articles pratiques investissent un territoire abandonné par les encyclopédies depuis le XVIIIe siècle. Avec la toute première Britannica, en 1768-1771, on pouvait apprendre à soigner le mal de dents ou à construire des raquettes à neige. (On pouvait aussi s’imprégner largement de préjugés et de superstitions. L’entrée « Femme » ne comptait que six mots : « Femelle de l’homme. Voir HOMO ».) Si vous regardez la page « Préparation du café » sur Wikipédia, vous tomberez, via la sous-entrée sur l’espresso, sur un passage consacré aux machines à espresso, que vous feriez bien de consulter avant d’en choisir une. Il y a aussi une page sur les « Erreurs de l’Encyclopædia Britannica qui ont été corrigées dans Wikipédia » (la date de naissance de Staline, le véritable inventeur du rasoir).

N’ayant aucune contrainte d’espace, Wikipédia peut aspirer à l’exhaustivité. Elle est aussi parfaitement adaptée au traitement de l’actualité : il existe un article détaillé sur chacun des douze finalistes de la dernière saison de l’émission de téléréalité American Idol et l’article sur le « conflit israélo-libanais de 2006 » a été modifié plus de quatre mille fois dans les quinze jours qui ont suivi sa création le 12 juillet, six heures après que les militants du Hezbollah eurent déclenché les hostilités en kidnappant deux soldats israéliens. Wikipédia sert de filtre pour une quantité considérable d’informations en ligne et on pourrait dire que Google lui est redevable d’un gigantesque travail de mise en ordre d’Internet. Mais le moteur de recherche le lui rend bien : grâce au grand nombre de liens vers d’autres articles du site et à leur fréquente mise à jour, les pages de Wikipédia sont toujours très bien classées par Google.

Le site en est arrivé là presque sans aucun moyen financier et avec très peu de personnel. Outre Jimmy Wales, son fondateur, né en 1966, il emploie cinq salariés [une trentaine en 2010]. Et n’accueille aucune publicité. Depuis 2003, Wikipédia est devenu un organisme à but non lucratif. L’essentiel de son budget provient de dons, pour l’essentiel des contributions de vingt dollars ou moins (2). Wales explique qu’il s’est donné pour mission d’« apporter une encyclopédie gratuite à chaque habitant de la planète dans sa langue » et il est en train de réussir à un point stupéfiant. Quiconque dispose d’un accès à Internet peut créer une page Wikipédia ou modifier une page existante. Wales est à la pointe d’une révolution dans la collecte des connaissances : il a mobilisé une armée de volontaires persuadés qu’en travaillant de manière collaborative, ils peuvent produire une aussi bonne encyclopédie que les experts, et avec une portée sans précédent.

Communauté virtuelle, Wikipédia n’est pas mieux immunisée contre les faiblesses de la nature humaine que tout autre projet utopique. La mesquinerie, la bêtise et la vulgarité tiennent une bonne place sur le site. Les ambitions collaboratives, si nobles soient-elles, ne fournissent pas une garantie d’exactitude, et la possibilité de modifier librement les pages invite aux abus. Des sénateurs et des membres du Congrès ont été surpris à trafiquer leur page et l’ensemble de la Chambre des représentants s’est vu interdire l’accès à Wikipédia à plusieurs reprises. (S’il n’est pas très subtil de faire passer l’âge du sénateur Robert Byrd de 88 à 180 ans, il l’est davantage de faire le ménage dans l’historique de ses propres votes pour se démarquer d’un président impopulaire, ou effacer des promesses non tenues.) Curieusement, pourtant, la loi de la foule n’a pas engendré le chaos. Wikipédia, qui a débuté comme une expérience de démocratie sans entrave, a fini par produire des règles et des procédures. En même temps, le site incarne un nouveau rapport, plus désinvolte, à la vérité, rapport sans doute propre à notre temps. Quand on leur met sous les yeux une erreur ou une distorsion manifeste, les wikipédiens ont généralement cette réponse toute prête : regardez avec quelle fréquence les grands médias et les encyclopédies traditionnelles se trompent ! Comme justification, c’est un peu l’équivalent épistémologique de « mais c’est lui qui a sauté du pont le premier ». Wikipédia est encore jeune, il est vrai. Le jour venu, elle passera peut-être à l’âge adulte.

L’élan encyclopédique remonte à plus de deux mille ans et s’est rarement arrêté aux frontières. Parmi les tout premiers ouvrages de référence généraux, Le Miroir de l’Empereur a été commandé en 220 av. J.-C. par un empereur chinois, qui le destinait à ses fonctionnaires. Le désir de mise en ordre de l’ensemble du savoir humain s’est accéléré au XVIIIe siècle. Dans les années 1770, les Allemands, champions de la minutie, commencèrent à réunir un ouvrage en 242 volumes. On doit à l’esprit retors d’un Français, Pierre Bayle, l’idée d’une encyclopédie composée uniquement d’erreurs. L’idée n’ayant pas suscité un grand enthousiasme chez les lecteurs potentiels, il rédigea finalement un Dictionnaire historique et critique, constitué presque entièrement de notes de bas de page, souvent consacrées à souligner les défauts d’ouvrages savants antérieurs. Bayle apprit aux lecteurs à douter, une leçon de subversion que n’oublieront pas Diderot et d’Alembert, les auteurs de l’Encyclopédie (1751-1780). Leur ouvrage en trente-cinq volumes prêchait le rationalisme aux dépens de l’Église et de l’État. La moins fougueuse Britannica est née de la rivalité franco-britannique et de la passion anglo-saxonne pour l’utile.

La première encyclopédie de Jimmy Wales fut le World Book, acheté par ses parents à un démarcheur qui se présenta à leur porte après le dîner, un soir de 1969. Wales se souvient du plaisir qu’il prenait à placer les autocollants de mise à jour renvoyant les anciens articles aux suppléments annuels. La mère et la grand-mère de Wales dirigeaient une école privée à Huntsville, dans l’Alabama, où il entra à 3 ans. Après une licence de finance obtenue à l’université d’Auburn, il commença un doctorat, d’abord à l’université d’Alabama, puis à celle d’Indiana. En 1994, il décida de prendre un emploi de trader à Chicago plutôt que d’écrire sa thèse. Quatre ans plus tard, il déménagea à San Diego, où il utilisa ses économies pour créer un portail Internet. Le public était essentiellement masculin ; la pornographie – vidéos et blogs – représentait environ un dixième de ses revenus.

Pendant ce temps, Wales réfléchissait. Selon lui, la désinformation, la propagande et l’ignorance sont responsables d’une part importante des maux de la planète. « Très clairement, je suis plutôt du genre mec des Lumières », me dit-il. Internet, c’est le rêve de l’accès gratuit au savoir pour tous, se rappelle-t-il avoir alors pensé. Comment faire pour le réaliser ? Pendant sa première année d’université, il avait lu un manifeste pour le libre marché écrit par Friedrich Hayek en 1945, « L’utilisation de l’information dans la société ». L’économiste y affirme que le savoir d’une personne est par définition partiel et que la vérité n’est établie qu’à partir du moment où les gens mettent en commun leurs idées (3). Wales repensa à ce texte dans les années 1990, lorsqu’il commença à lire des choses sur le mouvement « open source », un groupe de programmeurs pour qui les logiciels devaient être gratuits et distribués de telle sorte que chacun puisse en modifier le code source. En 1997, il fut particulièrement impressionné par « La cathédrale et le bazar », un article d’un des fondateurs du mouvement, Eric Raymond, qui en tirera un livre. « Il m’a ouvert les yeux sur la possibilité d’un travail collaboratif de masse », explique-t-il (4).

Le premier pas fut un faux pas. En 2000, Wales embaucha Larry Sanger, un étudiant en philosophie qu’il avait rencontré sur un forum de discussion, pour l’aider à créer une encyclopédie générale sur Internet baptisée Nupedia. L’idée était de demander des articles à des chercheurs, de les soumettre à un processus de relecture en sept étapes et de les publier en ligne gratuitement. Wales lui-même essaya de rédiger l’article sur l’économiste Robert Merton et le modèle de valorisation des options ; au bout de quelques phrases, il se souvint pourquoi il avait laissé tomber son doctorat. « Ils allaient prendre mon essai et l’envoyer à deux professeurs de finance compétents dans le domaine, se rappelle-t-il. J’avais quitté le milieu universitaire depuis plusieurs années. C’était intimidant ; j’avais l’impression de faire mes devoirs. »

« Wikipédia est là ! Faites-moi plaisir, allez-y, ajoutez un petit article »

Au bout d’un an, Nupedia ne comptait que vingt et un articles, sur des sujets comme l’atonalité et Hérodote. En janvier 2001, Sanger dîna avec un ami qui lui parla du wiki, un logiciel très simple d’édition collaborative. Sanger se dit qu’un wiki pourrait attirer de nouveaux contributeurs pour Nupedia. (Wales affirme que l’idée d’utiliser un wiki était de lui.) Wales accepta d’essayer, presque par blague. Dans le modèle que Sanger et Wales adoptèrent, chaque entrée incluait une page d’historique conservant la trace de toutes les modifications. Ils ajoutèrent une page de discussion pour commenter le processus éditorial – une idée qui aurait beaucoup plu à Bayle. Sanger inventa le nom Wikipédia et le site fut mis en ligne le 15 janvier 2001. Deux jours plus tard, il envoya un email à la liste Nupedia – environ deux mille personnes. « Wikipédia est là !, écrivait-il. Faites-moi plaisir, allez-y et ajoutez un petit article. Ça vous prendra cinq ou dix minutes. » Wales s’attendait à ce que tout le monde trouve ça idiot. Il se disait qu’au mieux le wiki permettrait de créer quelques brouillons pour Nupedia. Au bout d’un mois, Wikipédia comptait 600 articles. Et 20 000 un an après.

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Wales aime bien citer la déclaration faite en 1962 par Charles Van Doren, qui devint ensuite l’un des responsables de la Britannica. Van Doren pensait que l’encyclopédie traditionnelle était morte. Elle s’était développée par accumulation plus que par dessein ; elle avait sacrifié la synthèse astucieuse à la convention pesante ; elle regardait en arrière : « Parce que le monde est radicalement neuf, l’encyclopédie idéale doit être radicale aussi. Elle doit prendre des risques à nouveau – en politique, en philosophie, dans les sciences. »

Dans son incarnation occidentale, l’encyclopédie a toujours été un livre dangereux. L’Encyclopédie batailla contre les institutions religieuses et les orthodoxies pour mettre la raison au centre de l’univers. Comme l’a souligné l’historien Robert Darnton, l’article « Cannibalisme » de l’Encyclopédie s’achève sur un renvoi à l’article « Eucharistie ». Mais Wales semble moins avoir en tête l’appel aux armes de Van Doren que celui d’un autre fauteur de troubles célèbre. Dans les années 1930, H.G. Wells, se désolait : alors que le monde rétrécissait et évoluait toujours plus vite, l’information restait diffusée de manière vieillotte et inefficace. Il prescrivait la création d’un « cerveau mondial », un lieu de stockage de la connaissance, collaboratif et décentralisé, où celle-ci serait soumise à une révision constante. De façon plus radicale encore – avec une « impiété alma-matricide », comme il le dit lui-même –, Wells accusait l’université d’être une survivance médiévale. « Nous voulons un Henry Ford pour moderniser la distribution de la connaissance, rendre la bonne connaissance facile et économique dans ce monde anglophone encore si ignorant, mal instruit et mal servi qui est le nôtre », écrivait-il. Si Wells avait connu Internet, il aurait peut-être coupé l’herbe sous le pied de Wales (5).

La grande réussite de l’encyclopédie est d’avoir créé une communauté

La contribution la plus radicale de Wales n’est peut-être pas d’avoir rendu l’information gratuite, mais – à sa façon alma-matricide à lui – d’avoir inventé un système qui n’avantage pas l’universitaire sur l’adolescent instruit. « Ce qui compte, c’est que ça soit juste, a-t-il dit à propos des contributeurs de Wikipédia. Peu importe que ça vienne d’un lycéen ou d’un professeur de Harvard. » Au début, il n’y avait pas de règles strictes, même si Sanger a fini par publier une liste de recommandations sur le site. La première d’entre elles était « Ignorez toutes les règles ». Deux autres sont devenues des principes centraux : les articles doivent refléter un point de vue neutre (neutral point of view – NPOV, en jargon Wikipédia), et leur contenu doit être vérifiable et avoir déjà été publié. Ce dernier principe permet notamment d’exclure de Wikipédia quantité d’informations sur les chiens et les chats de Monsieur Tout-le-Monde.

Chez Wikipédia, le vrai travail ne se fait pas au siège, mais sur des milliers d’écrans d’ordinateur partout dans le monde. La plus grande réussite de Wikipédia – que Wales n’avait pas vraiment anticipée – est d’avoir créé une communauté. Officiellement, les wikipédiens sont des anonymes qui contribuent à l’écriture et à l’édition des articles sous un nom d’utilisateur. Ce sont aussi surtout des hommes – environ 80 %, selon Wales – témoignant d’une sociabilité compulsive, qui discutent non seulement sur les pages de discussion de chaque article, mais aussi sur des canaux de discussion dédiés à Wikipédia et les pages d’utilisateurs créées par de nombreux contributeurs. Sur la page d’un contributeur de 21 ans du nom d’Arocoun, qui inscrit « philosopher » sur la liste de ses principales activités, les messages d’autres utilisateurs vont du réfléchi (« Je ne suis pas d’accord quand vous dites que les êtres humains devraient être indépendants/autonomes dans tous les aspects de leur vie… Je ne pense pas que la vraie indépendance soit un idéal réaliste compte tenu de l’intensité des liens inhérent à toute société ») au séducteur geek (« Je suis un peintre névrosé de l’Ohio et j’imagine que si vous considérez vos opinions comme radicales, je suis radical moi aussi. Donc… nous devrions être amis »).

Les wikipédiens ont créé un vocabulaire bien à eux, dont revert, au sens de « rétablir » – comme dans « I reverted the edit, but the user has simply rereverted it » (« J’ai rétabli le texte mais l’utilisateur l’a re-rétabli ») –, est sans doute le terme le plus commun. On peut citer aussi WikiGnome (utilisateur discret qui se contente de corriger les fautes de frappe, de grammaire et les liens brisés) et son contraire, WikiTroll (utilisateur qui passe son temps à enfreindre les règles du site ou à perturber son fonctionnement). Il y a des wikipédiens atteints du syndrome d’Asperger (ils sont 72), des wikipédiens bipolaires, végétariens, antivégétariens, existentialistes ou pro-Luxemburg et des wikipédiens qui n’aiment pas être catégorisés. Selon l’une des pages du site, on a noté que Wikipédia suscitait un intérêt particulier chez les « programmeurs informatiques, les universitaires, les étudiants de troisième cycle, les candidats aux jeux télévisés, les accros de l’information, les chômeurs, les futurs chômeurs et, en règle générale, les gens qui ont de nombreux centres d’intérêt et une bonne mémoire ». Vous évoluez peut-être dans des cercles plus distingués mais, en ce qui me concerne, cela recouvre à peu près tous les gens que je connais.

La plus ambitieuse des maisons d’édition à compte d’auteur

Wikipédia est peut-être la plus ambitieuse des maisons d’édition à compte d’auteur. Moins de 2 % des 200 000 utilisateurs inscrits sur le site anglophone réalisent 70 % du travail. Le site permet de comparer les contributeurs en fonction du nombre de modifications apportées, du nombre de leurs articles jugés remarquables par la communauté (ces articles apparaissent souvent dans la rubrique « articles de qualité » sur la page d’accueil du site) et du rythme de leur activité sur le site, sous forme de graphiques. Un fan de l’humoriste anglais P.G. Wodehouse, âgé de 70 ans, spécialiste de la noblesse britannique, est le premier dans la catégorie auteur de contenus « de qualité », avec 58 articles. Un licencié de l’université de Toronto âgé de 24 ans détient le record des contributions. Depuis son premier article sur le canal de Panamá, en 2001, il a écrit ou modifié plus de 72 000 articles. « Wikipédoolisme » et « éditite aiguë » sont deux maladies bien définies sur le site lui-même : les deux pages renvoient à un article sur les troubles obsessionnels compulsifs. Il y a un article sur les « TOC » dans la Britannica, mais on n’y trouvera pas le nom de Felix Unger, cité dès la troisième phrase de l’article de Wikipédia (6), ni une enquête complète sur les « TOC dans les médias », pas plus qu’une liste de célébrités souffrant de TOC, qui réunit, probablement pour la première fois dans l’histoire, Florence Nightingale et Joey Ramone (7).

Un des contributeurs réguliers du site est un certain Essjay (*), titulaire d’un doctorat de théologie et d’une licence de droit, qui a écrit ou contribué à seize mille articles. Professeur de religion dans une université privée, Essjay apporta sa première contribution en février 2005. Il commença par collaborer à des articles correspondant à son domaine de recherche – sur le sacrement de pénitence, la transsubstantiation, la tiare papale. Rapidement, il en vint à passer quatorze heures par jour sur le site, tout en cachant à ses collègues et amis son activité virtuelle.

Peu à peu, Essjay vit qu’il passait de moins en moins de temps à écrire et modifier des articles et de plus en plus à corriger des erreurs et retirer des obscénités du site. En mai, il supprima par deux fois une phrase de l’article sur Justin Timberlake affirmant que le chanteur avait perdu sa maison en 2002 après un contrôle fiscal – affirmation qu’Essjay savait fausse. L’incident s’arrêta là. D’autres impliquent des désaccords idéologiques et donnent lieu à de véritables guerres d’édition. Un grand nombre d’affrontements sur le site anglophone sont liés au conflit israélo-palestinien et aux questions religieuses. Mais les batailles sur les articles « Macédoine », « Dantzig », « Génocide arménien » et « Henry Ford » sont presque aussi vives. Les querelles ethniques ont la vie dure : Copernic était-il polonais, allemand ou prussien ? (Un sondage fut réalisé au début de l’année pour savoir si la question méritait d’être mentionnée dans l’introduction de l’article.) Certaines disputes ne seront peut-être jamais résolues. La bataille de Borodino fut-elle une victoire russe ou française ? L’apple pie est-elle une spécialité purement américaine ? (À ce jour, la réponse est non : « Les pommiers ne poussaient pas en Amérique avant l’arrivée des Européens », réagit un utilisateur. Secondé par un autre, qui ajoute : « L’apple pie est très populaire aussi aux Pays-Bas. Les Américains ne l’ont pas inventée ni introduite en Hollande. Vous avez déjà plagié notre saint Nicolas avec votre Santa Claus, ça suffit ! »)

Dans un premier temps, Wales s’occupait lui-même de ces pugilats, mais il était réticent à l’idée d’exclure quiconque du site. Cependant, les guerres d’édition et la fréquence du vandalisme augmentèrent avec le nombre d’utilisateurs. Dès octobre 2001, Wales nomma quelques administrateurs, les « admins », pour protéger le site des abus. Les admins peuvent effacer des articles ou interdire les nouvelles modifications, empêcher certains utilisateurs d’éditer et rétablir une ancienne version de façon plus efficace que les utilisateurs ordinaires. En 2004, Wales édicta la règle des 3R – c’était jusque-là une simple recommandation – selon laquelle tout utilisateur qui restaure le même texte plus de trois fois en moins de 24 heures ne peut plus apporter de modification sur le site pendant une journée. Ce principe s’imposa après une série de conflits particulièrement venimeux.

Wales nomma aussi un comité d’arbitrage pour statuer sur les controverses. Avant qu’une question ne soit soumise à cette instance, elle passe souvent devant un comité de médiation. Essjay en est à son second mandat à la tête du comité de médiation. C’est également un admin, un bureaucrate et un vérificateur d’adresses IP, ce qui signifie qu’il est l’un des quatorze wikipédiens autorisés à rechercher les adresses IP d’un utilisateur soupçonné d’abus. Il emmène souvent son ordinateur dans sa salle de cours pour rester en contact avec les wikipédiens tout en faisant passer un examen à ses étudiants, et il garde toujours un œil sur une vingtaine de canaux de discussion, où les utilisateurs échangent leurs histoires sur les derniers débordements auxquels ils ont assisté.

Cinq robots anti-vandalisme parcourent le site à la recherche d’obscénités et de suppressions massives de contenu, qu’ils restaurent automatiquement. Les infractions plus importantes exigent une intervention humaine. Essjay a identifié récemment un utilisateur qui introduisait sous un nom des modifications absurdes, effaçant des pages entières et corrigeait ses propres abus sous un autre – le tout pour faire grimper son nombre de modifications. Il a été banni définitivement du site. Les utilisateurs qui se sont fait prendre menacent généralement les admins qui les ont identifiés. « Il y a des gens qui prennent Wikipédia beaucoup trop au sérieux », me confie-t-il. (Les wikipédiens ont récompensé le travail d’Essjay en lui décernant de nombreuses « barnstars » – les étoiles que la communauté a inventées pour remercier certains collaborateurs, les « lauriers » dans le Wikipédia français – dont plusieurs Étoiles des services rendus et l’Étoile du contributeur infatigable.)

Wikipédia est devenu un maquis de règles, avec toute une hiérarchie d’utilisateurs et des règlements sur les règlements. Martin Wattenberg et Fernanda B. Viégas, deux chercheurs d’IBM qui ont étudié le site en utilisant des modèles de visualisation par ordinateur, ont découvert que les pages de discussion et les « métapages » – celles concernant la coordination et l’administration – sont celles qui ont connu la plus forte croissance. Alors que les articles représentaient autrefois 85 % du contenu du site, en 2006 ils n’en représentaient plus que 70 %. Wales est ambivalent à l’égard des règles et des procédures, mais il les juge nécessaires. « Les choses se passent bien quand c’est un groupe de personnes qui se connaissent et ça ne marche pas quand ce sont des gens qui se retrouvent à dialoguer par hasard », me dit-il.

La bureaucratie wikipédienne ne sert pas toujours la vérité

Malgré tout le protocole, la bureaucratie wikipédienne ne sert pas toujours la vérité. En mars 2005, William Connolley, un spécialiste de la modélisation climatique du British Antarctic Survey, à Cambridge, fut la victime d’une brève guerre d’édition à propos de l’article sur le réchauffement. Après une confrontation particulièrement brutale avec un sceptique, qui n’avait cessé d’atténuer les passages sur l’effet de serre, l’affaire fut soumise à arbitrage. « L’utilisateur William M. Connolley impose fortement son point de vue en supprimant systématiquement tout avis qui ne correspond pas au sien, écrivit son accusateur dans une déposition écrite. Sa conception de la climatologie est singulière et étroite. » Le comité d’arbitrage mit trois mois à statuer sur l’affaire et finit par soumettre Connolley à une sorte de liberté d’édition conditionnelle, statut humiliant qui ne lui permettait de restaurer un ancien contenu qu’une fois par jour. Par la suite, la sentence fut révoquée et Connolley est aujourd’hui un admin, avec deux mille pages dans sa liste de suivi – l’outil qui permet à chaque utilisateur de pister automatiquement les modifications effectuées dans les articles de son choix. Il affirme que l’entrée de Wikipédia sur le réchauffement est peut-être la meilleure page sur le sujet de l’ensemble du Net. Wales reconnaît toutefois que, dans ce cas, le système n’a pas fonctionné. Il peut toujours sembler que c’est l’utilisateur qui passe le plus de temps sur le site – ou qui crie le plus fort – qui gagne.

Connolley pense que Wikipédia « n’accorde aucun privilège à ceux qui savent de quoi ils parlent ». Ce point de vue est partagé par de nombreux universitaires et d’anciens contributeurs, comme Larry Sanger, qui affirme que trop de wikipédiens sont fondamentalement méfiants à l’égard des experts et trop confiants dans leur propre opinion. Sanger a quitté Wikipédia en mars 2002, quand Wales s’est trouvé à court d’argent pour financer le site après l’éclatement de la bulle Internet. Sanger en a conclu qu’il était devenu un symbole d’autorité dans une communauté anti-autoritaire. « D’anarchie à peu près parfaite, Wikipédia est devenu une anarchie gouvernée par la loi des gangs », déclare-t-il. Même Eric Raymond, ce pionnier de l’open source dont le travail inspira Wales, affirme que « “désastre” n’est pas un terme trop fort » pour parler de Wikipédia. Selon lui, le site est « infesté de gauchistes ». Il a découvert que les corrections qu’il a apportées à certains articles sur la science-fiction ont été annulées par des utilisateurs qui considéraient visiblement qu’il empiétait sur leurs plates-bandes. « Plus vous voyez ce que certains contributeurs de Wikipédia ont fait, plus vous appréciez la Britannica », explique-t-il. Il considère que le modèle de l’open source est tout simplement inapplicable à une encyclopédie. En matière de logiciels, il existe un critère objectif : ça marche ou ça ne marche pas. Pour la vérité, il n’y a rien.

Le renforcement de la surveillance du site par les admins n’a pas non plus dissuadé les vandales qui semblent, pour la plupart, remplir Wikipédia d’absurdités et d’obscénités au moment où ils devraient être en train de faire leurs devoirs. Beaucoup font leurs farces en classe : les abus tendent à refluer le vendredi après-midi et à reprendre le lundi matin. Il a même parfois fallu bloquer les adresses IP d’universités et de lycées entiers. L’article sur George W. Bush a tellement été vandalisé – parfois toutes les trente secondes – que son édition a souvent dû être suspendue pendant plusieurs jours. Quelques centaines d’articles sont semi-protégés de façon permanente : un utilisateur doit déclarer son adresse IP et attendre plusieurs jours avant de pouvoir faire des corrections. Récemment, ce groupe d’articles comportait non seulement les entrées sur Dieu, Galilée et Al Gore, mais aussi sur les caniches, les oranges et Chopin. Même Wales a été surpris à faire le ménage dans sa propre page – dix-huit fois en 2005. Il est particulièrement sensible aux allusions à la pornographie sur son portail Internet. Il préfère les termes « contenu destiné aux adultes » ou « photographies glamour », même si, comme l’a fait remarquer un utilisateur sur le site, ce n’est sans doute pas la manière la plus juste de désigner des parties de strip-poker lesbien. En janvier 2006, Wales accepta le compromis « photographie érotique (8) ». Il regrette aujourd’hui d’être intervenu. « Les gens ne devraient pas faire ça, moi inclus, dit-il. C’est de mauvais goût. »

Wales a mis en place une fonction oversight (« supervision »), qui permet à certains admins (dont Essjay) de supprimer totalement certains textes du système, de sorte qu’ils n’apparaissent même pas dans les historiques. Wales explique que cette mesure n’est que très rarement utilisée, et uniquement pour retirer des informations diffamatoires ou privées, comme un numéro de téléphone. « C’est une mesure parfaitement raisonnable dans toute autre situation, mais c’est l’antithèse absolue de ce projet », commenta Jason Scott, contributeur de longue date du site et auteur de plusieurs essais critiques sur le sujet.

Wikipédia est-elle fiable ? En 2005, la revue Nature a publié une enquête comparant quarante-deux articles scientifiques de Wikipédia avec les articles correspondants de l’Encyclopædia Britannica. Selon cette enquête, le nombre d’erreurs dans Wikipédia par rapport à la Britannica est de quatre pour trois, un résultat qui fut bizarrement célébré comme un triomphe par le nouveau venu. Ces pinaillages n’ont guère de sens, aucun ouvrage de référence n’étant infaillible. La Britannica publia un texte dans lequel elle contestait les résultats de l’enquête et acheta une demi-page dans le New York Times pour expliquer : « Britannica n’a jamais prétendu être sans erreur. Notre réputation ne se fonde pas sur une perfection inaccessible mais sur une réelle érudition, un jugement raisonnable et un processus éditorial supervisé par des spécialistes (9). » Par la suite, le directeur de la Britannica, Jorge Cauz, m’expliqua dans un email que, si Wikipédia continuait ainsi à se passer de toute forme de surveillance éditoriale, elle allait « devenir une énorme masse d’articles inégaux, peu fiables et, très souvent, illisibles ». De son côté, Wales dit qu’il pourrait considérer la Britannica comme un concurrent, avant d’ajouter [en 2006] : « Mais je pense qu’ils auront totalement disparu d’ici cinq ans. »

L’essentiel du contenu vient d’Internet

Larry Sanger propose intelligemment de distinguer le savoir utile du savoir fiable, et il est indéniable que Wikipédia bat n’importe quelle source par son envergure, son efficacité et son accessibilité. Mais ces vertus lui créent aussi des responsabilités. Cauz s’est moqué de l’idée d’un « savoir de bonne qualité » (good enough knowledge)(10). « Je déteste ça », dit-il, en soulignant qu’il n’y a aucun moyen de savoir en quelle partie d’un article on peut avoir confiance. Comme l’a dit Robert McHenry, ancien éditeur de la Britannica, « on peut obtenir la mauvaise réponse à une question en moins de temps qu’il n’en aurait fallu à nos parents pour trouver un crayon ».

Une partie du problème tient à l’origine de l’information. L’essentiel du contenu de Wikipédia ne provient pas des rayonnages des bibliothèques mais d’Internet, sur lequel on trouve absolument tout, des dernières nouvelles, manipulations et autres commérages à la preuve que l’homme n’est jamais allé sur la Lune. Erreurs manifestes et omissions discrètes se bousculent. Dans ses apparitions publiques, Wales mentionne souvent le « test Google » : « Si ce n’est pas sur Google, ça n’existe pas (11). »

Cette situation pose un autre problème : sur Wikipédia, le présent prévaut sur le passé. L’article (plutôt bon) sur saint Augustin est plus court que celui sur Britney Spears. L’article sur Nietzsche, constamment modifié, a suscité pas moins de cinq pages de discussion. Mais le débat porte surtout sur les opinions politiques de Nietzsche ; dans l’ensemble, l’article est de moins bonne qualité que l’essai consacré au philosophe dans la dernière édition de la Britannica, un modèle du genre. (Trouvé dans Wikipédia : « Nietzsche possédait également un exemplaire de Die Philosophie der Erlösung de Philipp Mainländer, un ouvrage qui, comme la philosophie de Schopenhauer, se caractérise par son pessimisme. »)

Wikipédia demeure un chantier mal dégrossi. Les articles semblent parfois écrits par un collégien : la clarté et la concision font défaut ; les faits sont généralement justes mais la structure qui les relie est anémique ou absente ; et les citations sont faites au petit bonheur la chance. Wattenberg et Viégas, d’IBM, font remarquer que l’immense majorité des modifications apportées aux articles sont des suppressions ou des ajouts et non des tentatives de restructuration d’un article ; ils considèrent que le cadre de vingt-cinq lignes dans lequel les contributeurs doivent faire les modifications y est pour beaucoup. Il est difficile de mettre en forme un article en le lisant par morceaux et, compte tenu de l’obsession des wikipédiens pour leur score d’interventions, les simples corrections l’emportent souvent sur les corrections complexes. Wattenberg et Viégas ont aussi identifié un « avantage au premier » : le rédacteur originel d’un article donne généralement le ton de celui-ci, et il s’agit rarement d’un grand écrivain. Le tout produit un effet saccadé, l’équivalent textuel d’un film tourné caméra à l’épaule.

Une encyclopédie parfois vraie, parfois fausse, parfois mal informée

Que peut-on dire d’une encyclopédie qui est parfois vraie, parfois fausse et parfois mal informée ? Lorsque j’ai montré au philosophe Hilary Putnam l’article le concernant, il a été surpris de le trouver aussi bon que celui de la Stanford Encyclopedia of Philosophy. Il fut sidéré d’apprendre comment fonctionnait Wikipédia. « Il s’agit à l’évidence d’un travail d’experts », me dit-il. Dans les années 1960, l’essayiste conservateur William F. Buckley Jr. déclarait qu’il préférait « vivre dans une société gouvernée par les deux mille premiers noms de l’annuaire de Boston que par les deux mille professeurs de Harvard ». Avec Wikipédia, son vœu a peut-être été exaucé. À quoi ressemble sa page ? Exacte, pour l’essentiel, dit-il. Tout de même, ajouta-t-il, il préférait laisser aux deux mille pris dans l’annuaire le soin de gouverner et aux experts celui d’écrire les encyclopédies [Buckley est mort en 2008]. Autour d’un petit déjeuner, je demandai à Cauz une analogie pour comparer la Britannica et Wikipédia. « Wikipédia est à la Britannica ce qu’une émission de téléréalité comme American Idol est à un conservatoire prestigieux comme la Juilliard School », me répondit-il par courriel le lendemain. Quelques jours plus tard, Jimmy Wales choisit aussi une métaphore musicale : « Wikipédia est à la Britannica ce que le rock’n’roll est à la musique légère, suggéra-t-il. Ce n’est pas aussi lisse et harmonieux mais ça fait peur aux parents et finalement, c’est bien plus intelligent. »

Il a raison d’insister sur la fonction d’épouvantail plutôt que sur l’exactitude. Comme l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, Wikipédia est une combinaison d’ouvrage de référence et de manifeste. Les médias dominants, l’évaluation par les pairs et l’État nous ont mis dans le fossé. Non seulement nous ne supportons plus les autorités, mais nous sommes décidés à leur en remontrer. Wikipédia offre d’infinies possibilités de s’exprimer. C’est l’enfant naturel des groupes de lecture et des chat rooms, le lieu d’élection de quiconque a déjà écrit une recension sur Amazon. Ce n’est pas la première fois que des encyclopédistes prennent le pas sur une élite ou bousculent des certitudes. Qu’il soit le nouveau Henry Ford ou pas, Jimmy Wales nous a lancés sur l’autoroute, sans un regard pour la diligence laissée derrière nous. Nous sommes en terrain libre à présent, sans conducteurs et sans horaires. Nous sommes libres de notre trajet, libres également de nous perdre avec bonheur, en toute insouciance. Votre vérité ou la mienne ?

 

Cet article est paru le 31 juillet 2006 dans le New Yorker.

 

Notes

 

1| On trouve désormais un article sur le sudoku ou sur le syndrome de Capgras dans la version on-line de la Britannica, qui est, selon l’éditeur, « mise à jour régulièrement ».

2| Omidyar Networks, un « fonds d’investissement philanthropique », a versé 2 millions de dollars à Wikipédia en 2009.

3| Article publié dans l’American Economic Review.

4| The Cathedral and the Bazaar, par Eric Raymond, O’Reilly, 2001.

5| L’article de Wells, « L’idée d’une encyclopédie mondiale », a été publié en 1937 dans Harper’s, et traduit par Books.

6| Felix Unger est un personnage de la pièce Drôle de couple de Neil Simon.

7| La Britannique Florence Nigthingale fut une pionnière des soins infirmiers ?au XIXe siècle. Joey Ramone est un chanteur punk américain, mort en 2001.

8|Sur la version française de Wikipédia, on pouvait lire en janvier 2010 : « Wales décrit Bonis [la société en question] comme “un moteur de recherche plutôt destiné aux mecs, vendant des images érotiques”. »

9| Sur le site de l’université de Californie, Paul Duguid, (lire l’entretien qu’il nous a accordé « Wikipédia, où est ta démocratie ? »), déclara en avril 2006 : « J’ai lu tous les articles utilisés par Nature pour comparer la Britannica et Wikipédia et je suis arrivé à la conclusion que ce n’est pas Wikipédia ou la Britannica qui fait problème, mais Nature. C’est un travail de démolition idiot qui met en cause l’intégrité de la revue. »

10| À propos du « savoir » de Wikipédia, Jimmy Wales déclarait en juin 2006 : « Il est de bonne qualité, mais il faut le prendre avec précaution. Cela dépend de ce que vous voulez en faire. »

11| On peut l’entendre dire : « Si ce n’est pas sur Google, c’est que cela n’existe probablement pas », dans cette conférence sur la naissance de Wikipédia.

*| Essjay fut recommandé à Stacy Schiff, auteur de cet article, par un membre de l’équipe dirigeante de Wikipédia en raison de l’estime dont il bénéficie dans la communauté. Il a refusé d’être identifié autrement que par les détails biographiques apparaissant sur sa page d’utilisateur. Quelque mois plus tard, il s’est présenté à la rédaction du New Yorker sous le nom de Ryan Jordan, en affirmant avoir 24 ans et n’être titulaire d’aucun diplôme universitaire. Il a été embauché par Wikia, une entreprise affiliée à Wikipédia, en tant que « community manager » ; il continue à assurer ses fonctions sur Wikipédia. A propos de ce personnage inventé d’Essjay, Jimmy Wales, le cofondateur de Wikia et de Wikipédia a déclaré : « Je le prends comme un pseudonyme et cela ne me pose pas vraiment de problème. »

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