Les trois fées de la révolution chinoise

Il était une fois trois sœurs : l’aînée aimait l’argent, la cadette aimait son pays et la benjamine aimait le pouvoir. Elles vivaient dans la Chine du début du XXe siècle entre révolution et guerre civile et leurs princes charmants étaient des leaders politiques. Si les sœurs Soong ont longtemps été présentées aux petites chinoises comme des héroïnes de conte de fée, la lecture de Big Sister, Little Sister, Red Sister, la biographie que l’écrivaine Jung Chang leur consacre, révèle « des divas, des icones, des légendes », note le journaliste Boyd Tonkin dans le magazine culturel en ligne The Art Desk.

Nées dans les dernières années du XIXe siècle, elles sont les filles de Charlie Soong un riche entrepreneur et soutien financier de la révolution menée par Sun Yat-Sen contre le pouvoir impérial.

Filles de la révolution

L’ainée, Ai-Ling, après avoir repoussé les avances de Sun, épouse H.H. Kung, l’un des hommes les plus riches de Chine. Elle œuvre grâce à ses relations et son argent pour les nationalistes.

La cadette, Ching-Ling, qui vénérait Sun comme un héros, accepte de l’épouser. Au décès de son mari en 1925, elle s’allie aux communistes et part en exil jusqu’à la prise du pouvoir par Mao en 1949 (elle sera le seul membre de la famille Soong à vivre au pays après cette date). Elle deviendra alors vice-présidente de la République populaire de Chine.

May-Ling, la benjamine, épouse Tchang Kaï-Chek, chef du parti nationaliste et du pays à partir de 1928. En 1949, ils sont repoussés par les communistes jusqu’à Taiwan d’où Tchang continuera à revendiquer la souveraineté sur l’ensemble de la Chine jusqu’à sa mort en 1975.

L'ombre des épouses

« Un peu bizarrement pour la biographie de trois femmes remarquables, le livre est par moments complètement dominé par les hommes », remarque la professeur d’histoire de la Chine Julia Lovell dans The Guardian. Jung Chang, déjà co-auteure de biographies de Mao et de l’impératrice Cixi, avait à l’origine prévu d’écrire sur Sun. Mais toutes ses recherches la ramenaient aux sœurs Soong et à leurs rôles dans cette période de l’histoire chinoise. D’ailleurs « son désir de souligner ce que la Chine doit aux trois sœurs a tendance à jeter un voile sur des questions cruciales : comment Ching-ling a-t-elle pu se laisser berner à ce point par la révolution de Mao et pourquoi May-Ling et Ai-Ling n’ont finalement pas pu empêcher le régime nationaliste de s’autodétruire malgré tous les avantages tactiques et financiers dont il disposait. », regrette la journaliste Jiayang Fan dans The New York Times.

LE LIVRE
LE LIVRE

Big Sister, Little Sister, Red Sister de Jung Chang, Jonathan Cape, 2019

SUR LE MÊME THÈME

Lu d'ailleurs De l’avantage d’être un État fantôme
Médiocres milléniaux
Espionne et mère de famille  

Dans le magazine
BOOKS n°123

DOSSIER

Faut-il restituer l'art africain ?

Chemin de traverse

13 faits & idées à glaner dans ce numéro

Edito

Une idée iconoclaste

par Olivier Postel-Vinay

Bestsellers

L’homme qui faisait chanter les cellules

par Ekaterina Dvinina

Voir le sommaire