Tuer d’ennui

Ancien policier devenu écrivain en vue, A Yi plonge son lecteur dans la conscience d’un jeune homme de 19 ans qui a commis un assassinat sans raison.

Ancien officier de police, journaliste au nouveau magazine littéraire chinois en vogue, Chutzpah, et auteur de nouvelles policières, A Yi rencontre de nouveau le succès. Avec un roman cette fois, son premier, intitulé « Et après, je dois faire quoi ? ». Dans ce récit à la première personne, l’écrivain met en scène un jeune homme de 19 ans, qui raconte comment il a tué l’une de ses camarades de classe de trente-sept coups de couteau, sans raison. Le texte est structuré en séquences qui exposent méthodiquement la préparation du crime, l’assassinat, la cavale –finalement interrompue par le meurtrier lui-même qui décide de se rendre à la police –,  l’interrogatoire, la prison, le jugement, le procès et la condamnation à mort. « Pourquoi tuer ainsi sans motif ? », telle est, pour le critique du Beijing News, la question qui revient comme un leitmotiv tout au long de l’ouvrage. « Par ennui, en quelque sorte : telle serait la réponse de A Yi, dont le roman utilise le terme “vide” pour décrire l’état de désœuvrement de l’assassin, le sentiment qu’il a que la vie est pur non-sens. »

Dans les chapitres évoquant les audiences au tribunal, juges, avocats et procureurs questionnent l’accusé sans relâche, parce que la gratuité de son acte leur est incompréhensible. « En réalité, poursuit l’article du Beijing News, le crime est précisément ce qui a permis à l’assassin de donner un sens à sa vie, d’attirer l’attention de toute la société et de fuir la banalité de son existence, de se rendre tout-puissant. »

Entre le roman policier à suspense et le roman existentialiste, A Yi explore les thèmes de l’ennui, du néant, du temps qui passe, de la folie et de l’absurdité de l’existence. Dans une langue que la critique chinoise juge unanimement efficace et concise, le jeune écrivain expose les faits, avec simplicité et  détachement. Les descriptions  sont minutieuses, certaines presque cliniques quand le narrateur détaille la préparation du crime, d’autres plus poétiques, parfois même d’une grande sensibilité. Si bien que le grand poète chinois contemporain Bei Dao n’a pas hésité à déclarer que A Yi était sans doute l’un « des auteurs majeurs de ces dernières années, qui continue de vivre et d’écrire avec sincérité et enthousiasme, ce qui n’est hélas pas le cas des autres écrivains de notre époque ! » 

LE LIVRE
LE LIVRE

Et après, je dois faire quoi ? de Tuer d’ennui, Zhejiang Wenyi Chubanshe

SUR LE MÊME THÈME

Article du jour Le dernier amour de Thomas Mann
Article du jour SAS : pas que des galipettes
Article du jour Le Portugal d’en bas

Dans le magazine
BOOKS n°123

DOSSIER

Faut-il restituer l'art africain ?

Chemin de traverse

13 faits & idées à glaner dans ce numéro

Edito

Une idée iconoclaste

par Olivier Postel-Vinay

Bestsellers

L’homme qui faisait chanter les cellules

par Ekaterina Dvinina

Voir le sommaire