Un activisme néoreligieux
Publié dans le magazine Books n° 22, mai 2011. Par Fernando Savater.
Si nous n’accordons pas aux animaux des droits comparables à ceux des humains, nous faisons preuve de « spécisme », accusent Peter Singer et quelques autres. Et nous succombons à un anthropomorphisme d’origine religieuse. Mais l’argument peut être retourné.
Les êtres humains doivent-ils inclure le droit des animaux – et d’autres êtres vivants – dans leurs préoccupations morales ? Ce débat est surtout présent dans les philosophies anglo-saxonnes (y compris australienne). En Espagne, le premier et le plus combatif des paladins favorables à cette extension de l’impératif catégorique est Jesús Mosterín, auteur du livre Los derechos de los animales paru en 1995. Trois ans plus tard, avec un ouvrage au titre sympathique mais de plus grande ambition théorique, ¡Vivan los animales!, il cherche à offrir un fondement bio-ontologique aux thèses avancées dans ses œuvres antérieures (1). J’adhère à une bonne partie de ses vues, me séparant de lui seulement sur ce qui est, je le crains, le noyau de son analyse.
Les premiers chapitres du livre sont un résumé aussi agile que recevable de l’origine et de la nature de la vie, de l’apparition des animaux, de l’évolution des espèces, etc. Mosterín fait ressortir avec brio le hasard improbable de l’apparition d’êtres animés à partir de l’inanimé. Il adopte un ton sobrement lyrique pour évoquer ...