Dans l’enfer du « Grand bond »
Publié dans le magazine Books n° 19, février 2011.
« Nous enregistrons quelques décès ; ce n’est rien ! » Derrière ce « rien » d’un cadre du Parti communiste chinois vers 1960 se cachait l’une des famines les plus meurtrières de l’histoire.
« Nous enregistrons quelques décès ; ce n’est rien ! » Derrière ce « rien » d’un cadre du Parti communiste chinois vers 1960 se cachait l’une des famines les plus meurtrières de l’histoire. « L’Occident connaît cette catastrophe dans ses grandes lignes depuis des décennies, note la Literary Review. Mais l’historien Frank Dikötter en expose les détails à la lumière d’archives locales et provinciales récemment ouvertes. » Et ces détails sont atroces : cannibalisme, enfants agonisants abandonnés dans les champs… Le récit de Dikötter – « chef-d’œuvre d’enquête historique » pour le New Statesman – est souvent insoutenable. Il confirme aussi l’ampleur du désastre : au moins 45 millions de morts entre 1958 et 1962, dont 2 à 3 millions par exécution sommaire ou torture. À l’origine du carnage, la politique du « Grand Bond en avant » de Mao visant à une transformation radicale de l’économie. Des paysans durent abandonner leurs champs pour travailler sur des chantiers inutiles, pendant que des centaines de milliers d’autres faisaient fondre leurs outils afin de gonfler la production d’acier. Ces aberrations affamèrent les campagnes alors que le pays conti¬nuait à exporter des denrées agricoles.