La bureaucratie, maladie du capitalisme
Publié le 21 septembre 2015. Par La rédaction de Books.

LaurMG
Selon les propos controversés du ministre de l’Économie, le statut des fonctionnaires n’est « plus adapté au monde tel qu’il va ». Un point de vue où pointe la critique classique d’une bureaucratie pesante, incapable de souplesse face aux exigences de l’économie de marché. Mais on aurait tort, écrit David Graeber, d’opposer bureaucratie d’État et entreprise privée : non seulement la seconde a besoin de la première, mais elle la renforce.
Celui que l’on surnomme « l’anthropologue anarchiste de la London School of Economics » le souligne dans The Utopia of Rules : un marché efficace nécessite un environnement administratif stable, et donc des fonctionnaires. David Graeber rappelle aussi que la grande entreprise privée a toujours généré en son sein des pratiques bureaucratiques. Mais le phénomène a changé de nature au cours des trente dernières années. L’alliance des managers avec les actionnaires, au détriment des salariés, aurait donné naissance à une nouvelle culture bureaucratique : un ensemble de procédures inutiles et de pratiques telles que le « reporting », l’« évaluation des performances » ou les « focus groups » qui n’ont d’autre but, selon l’auteur, que de masquer l’accaparement du profit par une minorité.
L’anthropologue va encore plus loin en affirmant que cette nouvelle culture bureaucratique a contaminé l’État, et non l’inverse. L’usage de plus en plus fréquent, dans les administrations, de « termes brillants et creux tels que “vision”, “leadership”, “excellence”, “innovation”, “objectifs stratégiques” ou “meilleures pratiques” » en serait la preuve. Comme le résume le philosophe John Gray dans le Guardian, « le culte du marché a produit une société étouffée par la bureaucratie ». Graeber, qui est aussi un pilier du mouvement Occupy Wall Street, a donné un nom au phénomène : « La bureaucratisation totale ».