Un Nobel de l’idéalisme
Publié le 8 octobre 2015. Par La rédaction de Books.
Alfred Nobel
En attribuant le prix Nobel de littérature à la Biélorusse Svetlana Alexievitch, l’académie suédoise récompense une auteure engagée. Le jury a les mains libres pour désigner le lauréat. Alfred Nobel a simplement indiqué qu’il souhaitait qu’il soit décerné à « la personne qui a produit dans le domaine de la littérature le travail le plus remarquable d’inspiration idéaliste ». Toute l’ambiguïté réside dans ce dernier mot, rappelle l’historien Burton Feldman dans son histoire du prix Nobel.
Alfred Nobel n’était pas un adepte de la bien-pensance. Il a écrit de nombreux textes sceptiques et caustiques, rappelle Feldman. Et selon le mathématicien Mittag-Leffler, l’idéalisme de Nobel tendait même vers la satire face à la religion, la royauté et l’ordre social en général. « Mais est-ce qu’un grand prix international pouvait être dévolu à cette sorte d’ironie subversive ? Et soutenu par une académie et le gouvernement suédois ? Impensable ! », écrit Feldman. D’autant plus impensable que le jury du premier Nobel, en 1901, était composé de vieux messieurs passablement victoriens. Ils préférèrent traduire « l’idéalisme » par un conservatisme rassurant et optimiste. Avec une telle définition, ils mettent Zola au banc, jugé « grossièrement cynique » ; Ibsen devient « athée » et « trop aventureux dans ses manières de penser ». Face à Tolstoï, déjà largement considéré comme le plus grand écrivain vivant, ils sont sauvés par un vice de forme et n’ont pas à débattre de sa candidature. Ils choisissent le poète Sully Prudhomme, chaudement recommandé par l’Académie française.