Vargas Llosa revient au roman historique
Publié en décembre 2019. Par Pauline Toulet.
À 83 ans, l’écrivain péruvien naturalisé espagnol Mario Vargas Llosa n’en a pas terminé avec la littérature. Il vient de publier Tiempos recios, un roman dont l’intrigue est tirée d’un fait réel : en 1954, au Guatemala, un coup d'État militaire orchestré en sous-main par la CIA renverse le gouvernement de Jacobo Árbenz. Les États-Unis voyaient d’un mauvais œil la réforme agraire engagée par Árbenz, impliquant l’expropriation de grands propriétaires terriens et l’attribution de terres cultivables à quelque 100 000 familles de paysans. Et pour cause, la « loi de réforme agraire » nuisait gravement aux intérêts de la United Fruit Company, cette puissante entreprise nord-américaine implantée dans plusieurs pays d’Amérique centrale, en la délestant de 85 000 hectares de terres agricoles.
Fiction et histoire au Guatemala
Pour écrire ce roman combinant fiction et histoire, personnages réels et inventés, Vargas Llosa s’est beaucoup documenté de manière à « mentir en connaissance de cause », comme il se plaît à le répéter en interview. Les lecteurs de Vargas Llosa reconnaîtront dans cette méthode de travail celle qu’il avait adoptée pour l’écriture de Conversation à la Cathédrale (Gallimard, 1973), évoquant la dictature du péruvien Manuel Odría, et La fête au Bouc (Folio, 2004), récit des derniers jours du dictateur Rafael Trujillo, placé à la tête de la République dominicaine pendant une vingtaine d’années.
Dénonciation courageuse
Tiempos recios prouve, s’il en était encore besoin, que les fake news ne datent pas d’hier. L’écrivain péruvien y dépeint la machine de désinformation déployée par l’administration Eisenhower pour discréditer le gouvernement du président Árbenz, accusé de vouloir faire du Guatemala un satellite soviétique.« Vargas Llosa dénonce avec un courage admirable l’impérialisme américain et les méthodes brutales utilisées par ces gouvernements. Il ne manque pas non plus d’accuser les oligarchies du capitalisme forcené et la complicité de l’Église catholique », note le critique littéraire Santos Sanz Villanueva dans le magazine espagnol El Cultural. Le quotidien péruvien El Comercio se montre tout aussi élogieux et salue un livre « remarquable du point de vue littéraire et loin des clichés idéologiques », jugeant qu’il s’agit-là du « meilleur roman de Mario Vargas Llosa depuis La fête au Bouc ».
À lire aussi dans Books : Ne tirez pas sur Vargas Llosa, juin 2016.