Les politiciens espagnols habillés pour l’hiver
Publié en janvier 2020. Par Pauline Toulet.
« Rends-moi le pouvoir » exige Miriam González Durántez dans son essai très controversé Devuélveme el poder. À qui s’adresse-t-elle ainsi ? À la classe politique espagnole dans son ensemble, qu’elle accuse d’avoir indûment confisqué le pouvoir des mains des citoyens. Cette avocate spécialisée dans le commerce international et le droit européen estime qu’une grande réforme libérale est nécessaire en Espagne, seule solution à apporter à l’inefficacité des institutions, à la corruption, à la fragilité de l’économie et à la désaffection de la jeune génération pour la politique. Son ouvrage est « une diatribe implacable contre notre classe politique » résume la journaliste Cristina Aldaz dans le quotidien El Mundo.
L’auteure fustige notamment la prolifération des « professionnels de la politique ». En Espagne, ils sont entre 300 000 et 400 000 à tirer leur subsistance de leur mandat de membre du gouvernement, de parlementaire, d’élu d’une administration territoriale. C’est plus du double que le nombre de scientifiques, s’indigne González Durántez, qui voit dans cette situation un frein à l’essor économique du pays. Par ailleurs, l’avocate espagnole critique le fonctionnement pyramidal des institutions politiques qui, selon elle, exclut de facto la participation des citoyens. « Pour qu’un retour à la dictature ne soit pas possible, la transition démocratique [après la mort de Franco] a structuré le régime politique de façon rigide, en le faisant reposer sur deux piliers de pouvoir très forts, le bipartisme. […] Cela donne lieu à une politique très tribale », expose-t-elle dans une interview accordée au quotidien ABC.
La critique est aisée mais l’art est difficile, objectent, en substance, ses détracteurs. À l’instar de l’économiste Carlos Rodríguez Braun dans le magazine El Cultural : « Quand il s’agit de dépasser les questions de dépolitisation et de bureaucratisation pour déterminer comment la réforme doit être effectivement menée, l’auteure affiche l’habituelle confusion des libéraux soucieux de ménager la chèvre et le chou ».
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