Afghanistan : le blues du GI

Erik Edstrom est diplômé de l’Académie militaire de West Point. Il a servi comme chef de peloton d’infanterie dans les zones les plus dangereuses d’Afghanistan. Il a reçu une médaille pour sa bravoure au combat. Et dans Un-american, son livre mi-mémoire mi-manifeste, il dénonce le militarisme de son pays.

« Il y a eu de nombreux récits de vétérans sur les guerres actuelles, mais c’est le premier qui me rappelle les textes désabusés des vétérans britanniques de la Première guerre mondiale, consignant une nouvelle défiance envers la nation qui les a envoyés à la guerre et envers les officiers qui les ont conduits au combat », remarque Thomas Ricks, journaliste spécialiste des questions militaires, dans The New York Times.

La défiance du vétéran

Edstrom raconte l’impréparation des jeunes soldats, les connivences avec les seigneurs de guerre locaux, les civils pris entre les deux, les morts dans tous les camps. Il décrit des missions sans aucun sens, mais coûteuses en vies humaines comme celle qu’il appelle « Opération babysitting de l’autoroute ». « Ça fonctionnait comme ça : l’infanterie sécurisait la route permettant au convoi logistique de ravitailler l’infanterie pour que l’infanterie puisse sécuriser la route pour que la logistique ravitaille l’infanterie, et ainsi de suite ad nauseam », écrit-il. Et tout ça sous une pluie de balles et d’obus, sans qu’à la fin personne ne gagne.

Être du bon côté

De mission en mission, de tuerie en tuerie, Edstrom n’est plus sûr d’être « un gentil ». Il a l’impression d’être dans Star Wars, et de défendre l’Étoile de la mort. Son pays dépense des milliards dans des équipements high-tech d’une grande complexité alors que les Talibans, eux, se contentent d’utiliser des objets du quotidien (engrais, téléphone portable, batterie de voiture…) pour fabriquer des explosifs autrement plus redoutables.

« Edstrom pose des questions difficiles que les Américains comme leurs dirigeants esquivent depuis des années, remarque Ricks. Par exemple, il calcule que l’armée américaine a tué plus de 240 000 civils au cours de ses dernières guerres, soit 80 fois plus que le nombre d’Américains tués lors des attaques du 11-Septembre. Combien en faut-il pour que ce soit assez ? »

 À lire aussi dans Books : Le combat perdu de l’Afghanistan contre la corruption, septembre/octobre 2018. 

LE LIVRE
LE LIVRE

Un-American: A Soldier’s Reckoning of Our Longest War de Erik Edstrom, Bloomsbury, 2020

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