L’algorithme d’une épidémie

Prendre le dessus sur une pandémie n’est qu’une simple question d’arithmétique, ou presque, explique Adam Kucharski. Ce mathématicien spécialiste des mécanismes épidémiques publie The Rules of Contagion. Il avait achevé son livre bien avant l’apparition du dernier coronavirus en Chine, et « intelligemment ne s’est pas précipité pour réviser son texte », note le journaliste scientifique Clive Cookson dans The Financial TimesMais « il offre un bon point de départ pour que les lecteurs comprennent la situation actuelle en distillant les leçons tirées depuis un siècle d’études des épidémies. »

Les facteurs de l'épidémie

Dans cette exploration historique, il revient sur l’élaboration, dans les années 1970, d’un concept clé par le mathématicien Klaus Dietz et les épidémiologistes Roy Anderson and Robert May :  le taux de reproduction de base. R0 représente le nombre moyen de personnes infectées par un seul et même individu malade dans une population spécifique. Ainsi pour la rougeole, maladie extrêmement contagieuse, R0 se situe entre 12 et 18. Il serait de 2,2 à 3,5 pour Covid-19 selon les premières estimations. Chaque malade contaminerait en moyenne 2 à 3 personnes. Mathématiquement, une maladie tend à disparaître quand R0 est ramené en dessous de 1.

Kucharski décrit les facteurs qui influencent le R0 : la durée pendant laquelle un malade est contagieux, les opportunités de transmettre la maladie, les chances d’être infecté et la vulnérabilité de la population... Des facteurs qui peuvent varier localement. Ainsi Stephen Bleach du Sunday Times s’est amusé à relever dans les statistiques citées par Kucharski que « les Britanniques ont chaque jour en moyenne un contact physique avec cinq autres personnes, pour les chaleureux italiens c’est le double ».

Hasard et algorithme

« Mais si certains facteurs rendent la contagion plus probable, le nombre de personnes qu’un malade contamine est largement lié au hasard », rappelle le journaliste scientifique Tom Chivers dans The Times. Kucharski raconte ainsi l’histoire d’une fillette atteinte d’Ebola qui a parcouru des centaines de kilomètres en bus sans transmettre la maladie à personne, avant de décéder.

Le mathématicien souligne que la mécanique de la contagion est la même pour le coronavirus que pour un virus informatique, les risques financiers, les fake news ou l’influence des gangs dans certains quartiers. L’essentiel de son livre est d’ailleurs consacré aux épidémies non-médicales, mais ses réflexions dans ce domaine sont « inégales » estime Cookson.

À lire aussi dans BooksFroid, épidémies, la fin de l’empire romain, mars 2019.

LE LIVRE
LE LIVRE

The Rules of Contagion: Why Things Spread – and Why They Stop de Adam Kucharski, Wellcome, 2020

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