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Ben Shapiro et « la boussole cassée » de l’Occident

Jusqu’en 2016, Ben Shapiro publiait des éditoriaux sur le site d’extrême droite Breitbart. Aujourd’hui, ce commentateur politique conservateur s’emploie à contrer l’orientation antisémite et raciste de « l’alt-right ». À 37 ans, il a publié en mars dernier son dixième livre, The Right Side of History, qui s’est immédiatement installé dans le classement des meilleures ventes du New York Times.

Sa thèse : si les Américains ne croient plus en leur pays, alors que le monde ne s’est jamais si bien porté, c’est parce qu’ils n’ont plus de boussole. « Nous avons passé les deux derniers siècles à nous débarrasser des racines de notre civilisation », écrit-il. Racines qu’il définit comme étant la loi morale judéo-chrétienne et le raisonnement scientifique grec.

La faute des Lumières

Pour étayer son propos, Shapiro déploie une rapide (200 pages) histoire de la philosophie occidentale. Mais celle-ci a un gros défaut, regrette le critique canadien Jared Marcel Pollen. Elle « s’appuie fortement sur l’idée miltonienne que l’usage de la Raison seule, sans la loi morale et la volonté universelle de Dieu, nous condamne à vivre dans l’abîme. Et comme Milton, la tentative de Shapiro de démontrer que la civilisation séculaire a besoin de renouer avec les enseignements judéo-chrétiens sur lesquels elle est fondée, le conduit involontairement à nous montrer pourquoi nous avions eu raison de nous en défaire », écrit-il dans le magazine en ligne Quillette.

« Il refuse d’admettre que ce qui s’est passé dans la péninsule du Sinaï est la codification d’un sens moral préexistant. Il n’y a pas besoin d’avoir la foi, mais seulement d’utiliser la Raison pour deviner que les Hébreux n’auraient jamais atteint la montagne s’ils avaient cru que le meurtre, le vol et le parjure étaient acceptables. Il n’est pas possible de gagner sur les deux tableaux. Si les Lumières ne sont pas apparues du néant, la même chose dot être vraie de la sagesse sensée être descendue sur le Sinaï », ajoute Pollen.

L’héritage de la civilisation occidentale

Les arguments de Shapiro séduisent cependant. C’est évident dans le camp conservateur. Dans The National Review, l’universitaire Tracy Lee Simmons recommande le livre aux étudiants, une génération « privée de l’héritage d’une grande tradition capable de les aider sur le difficile chemin de la vie ». Et dans The New York Times, l’essayiste et activiste gay Jonathan Rauch avoue avoir quelques sympathies pour les arguments de Shapiro. Ce qui ne l’empêche pas de se moquer de la manière dont l’éditorialiste entend « défendre la seule civilisation qui vaut qu’on se batte pour elle », en préconisant d’apprendre « aux enfants que la vie a un sens, qu’ils ont un rôle à jouer, que notre civilisation est unique et que nous sommes tous frères et sœurs ».

 

À lire aussi dans Books : Houellebecq bien au-delà du désespoir, mai 2015.

LE LIVRE
LE LIVRE

The Right Side of History de Ben Shapiro, Broadside Books, 2019

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