La bibliothèque secrète de Daraya

Quand le correspondant de la BBC Mike Thomson, entend parler d’une bibliothèque clandestine dans la ville syrienne assiégée de Daraya, il pense l’information exagérée. Il ne peut pas entrer dans Daraya pour la voir de ses propres yeux, mais réussit à contacter sur Internet la petite bande de jeunes qui, même menacés par les bombes et la famine, ne peuvent pas se passer de lire. « Comme le corps a besoin de nourriture, l’âme a besoin de livres », explique l’un d’eux à Thomson dans Syria’s Secret Library.

En 2013, un an après le début du siège de leur ville, ces jeunes, étudiants et élèves pour la plupart, ont entrepris de récupérer à leurs risques et périls des livres dans les bâtiments éventrés, « les enveloppant dans des couvertures comme ils le feraient pour les victimes de la guerre qui les entoure », souligne la poétesse irako-américaine Dunya Mikhail dans The New York Times. Ils les rassemblent dans le sous-sol d’un immeuble en ruine et propagent la nouvelle avec moult précautions afin d’éviter que la bibliothèque ne devienne une cible pour les forces loyalistes.

Daraya ne compte alors plus que 8 000 habitants sur les quelques 80 000 présents avant le début du siège. Un petit nombre d’entre eux vient à la bibliothèque chercher de quoi se former ou se distraire. Amjad, un garçon de 14 ans, autoproclamé bibliothécaire en chef, tient le registre des emprunts. Les œuvres de l’égyptien Ahmed Chawqi, « Le prince des poètes », et les chroniques des rébellions arabes par le syrien al-Tanawi figurent parmi les livres les plus lus. La littérature occidentale fait aussi recette. Abdul Basit, un étudiant devenu bénévole à l’hôpital, raconte ainsi son obsession pour Hamlet.

Mais en 2016, Daraya tombe et ses habitants sont évacués, sans leurs livres. « Quelques semaines plus tard, un reportage de CNN montre des soldats transportant des livres hors d’un sous-sol et les balançant à l’arrière d’un camion », décrit la journaliste Christine Toomey dans The Times Literary Supplement.

À lire aussi dans Books : Un cri de Syrie, avril 2016.

LE LIVRE
LE LIVRE

Syria’s Secret Library de Mike Thomson, Weidenfeld and Nicolson, 2019

SUR LE MÊME THÈME

De l’avantage d’être un État fantôme
Lu d'ailleurs Médiocres milléniaux
Lu d'ailleurs Espionne et mère de famille  

Dans le magazine
BOOKS n°123

DOSSIER

Faut-il restituer l'art africain ?

Edito

Une idée iconoclaste

par Olivier Postel-Vinay

Chemin de traverse

13 faits & idées à glaner dans ce numéro

Chronique

Feu sur la bêtise !

par Cécile Guilbert

Voir le sommaire