Books a 10 ans !

Par une intéressante coïncidence, j’ai lancé Books dans le sillage de la terrible crise financière de 2008. Due aux illusions et à la sottise des banquiers, cette crise a eu des répercussions catastrophiques, qui nous frappent encore de plein fouet et pourraient encore s’aggraver. Elle a mis en cause à juste titre la qualité de la méritocratie habituée à gouverner les démocraties. Il s’est ensuivi une flambée de mouvements populistes d’inspiration primaire, qui mettent en cause les institutions libérales des deux côtés de l’Atlantique et du nord au sud. Les dictatures russe et chinoise s’en sont trouvées renforcées. Les enquêtes en témoignent, un peu partout l’idée démocratique perd du terrain, notamment chez les jeunes. Par ailleurs, mais tout est lié, cette décennie a été marquée par une véritable révolution dans les modes de communication. Créé en 2004, Facebook possédait déjà 500 millions de membres en 2010 et compte aujourd’hui 2,23 milliards d’utilisateurs actifs. Le WeChat chinois a dépassé le milliard d’utilisateurs. Avec les moteurs de recherche Google et Baidu, ces médias sont devenus le principal véhicule de l’information. Or, contrairement aux espoirs placés à l’origine dans les perspectives du World Wide Web, ces outils font bon ménage avec les régimes autoritaires, favorisent la confusion des esprits et contribuent à renforcer particularismes, communautarismes et préjugés. Dans ce nouveau monde, Books, ce grain de sable, fait figure d’anomalie. J’en exposais ainsi le concept dans l’éditorial du premier numéro : « Éclairer les sujets du jour et la condition humaine en utilisant la lumière des livres ». Pourquoi le livre ? Parce que, « à l’ère d’Internet […], il est appelé à rester le lieu privilégié de la réflexion approfondie. À l’ère de la vitesse, de l’éphémère, du repli sur soi, mais aussi de la mondialisation, de la propagation planétaire des ondes de choc économiques, politiques, culturelles, le livre apporte la lenteur, le recul ». Comme nous l’avons, je crois, montré au fil du temps et comme l’illustre ce numéro anniversaire consacré à l’emprise des croyances, Books affiche des valeurs dont toutes ne courent pas les rues. Attachés aux principes fondamentaux de la démocratie libérale, nous nous employons à faire connaître les points de vue les plus divers. En ouvrant grand les fenêtres sur le large, nous militons pour la diffusion d’une information parfois dérangeante, insensibles au Clochemerle français et plus encore aux postures de la pensée de droite ou de gauche. Ce n’est pas une solution de facilité, car la plupart des publications d’information générale qui ont survécu au raz de marée d’Internet tentent de maintenir leur audience en cultivant leur positionnement politique. Aujourd’hui, les magazines sont comme les feuilles mortes, ils se ramassent à la pelle. Sans l’énergie déployée par son équipe et l’apport d’actionnaires de grande qualité, que je tiens à remercier, Books serait déjà mort plusieurs fois. Il reste profondément fragile et menacé. Forts de nos dix ans d’archives, nous allons développer l’abonnement numérique, mais l’avenir est incertain, pour le moins. Il dépend largement de vous, de votre souci de ne pas laisser s’éteindre la flamme vacillante de l’intelligence critique.

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