Ça use, Ça use, Ça use les souliers

En fournissant les pneus de la voiture du Führer et ceux des camions de la Wehrmacht, l’équipementier Continental a largement soutenu le régime nazi. Sans scrupule, il a exploité à son profit les prisonniers de guerre et les déportés. Son cas n’a rien d’exceptionnel, et c’est peut-être cela le plus glaçant : il illustre la compromission industrielle ordinaire sous le iiie Reich.


Les semelles Conti étaient testées par les prisonniers du camp de Sachsenhausen, forcés de marcher, parfois jusqu’à la mort, pour les user.

Marcher, dans la neige, sur la glace. Marcher, trente, quarante kilomètres par jour. Marcher, pieds nus, dans des chaussures trop petites ou trop grandes. Marcher, autour de la place d’appel, devant la potence. Marcher, marcher encore, marcher pour sa vie. Marcher jusqu’à la chute. Quiconque tombait était abattu par les SS.

Dans le camp de concentration de Sachsenhausen, ce que les nazis appelaient la « piste de test des chaussures » était l’une des pires corvées du camp. Les prisonniers devaient tester des semelles et des talons pour l’industrie allemande de la chaussure. En les usant.
L’usure des matériaux était notée au millimètre près ; l’usure des hommes, leur mort, n’intéressait personne. Même pas le leader du marché des semelles et des talons, le groupe Continental de Hanovre, et sa filiale de chaussures Schwelmer Gummiwaren.

À l’automne 1940, un ingénieur de chez « Conti » (le surnom de la marque), après s’être présenté au commandant du camp de Sachsenhausen, y envoya dix ...

LE LIVRE
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Fournisseur pour les guerres d’Hitler. Le groupe Continental à l’époque nazie de Paul Erker, Walter de Gruyter, 2020

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