Charlie Kaufman s’essaie à la littérature
Publié en juillet 2020. Par Pauline Toulet.
Prononcez le nom de Charlie Kaufman devant des cinéphiles, et vous verrez leurs visages s’éclairer. Véritable coqueluche du cinéma indépendant américain, Kaufman passe pour avoir révolutionné l’art du scénario en créant des histoires complexes et métafictionnelles. On lui doit notamment les scripts de Dans la peau de John Malkovich et d’Eternal Sunshine of the Spotless Mind. Ce scénariste réputé s’est également essayé à la réalisation, avec beaucoup moins de bonheur toutefois. Après la réception en demi-teinte de son film Anomalisa, Kaufman est de retour, non pas sur les écrans, mais en librairie.
Du scenario au roman
Antkind décrit les tribulations de Balaam Rosenberger Rosenberg (surnommé « B »), un critique de cinéma entre deux âges, prétentieux et dogmatique, qui estime ne pas avoir eu la carrière qu’il mérite. Lorsqu’il rencontre un vieillard qui a passé l’essentiel de sa vie enfermé chez lui à tourner un film en stop motion d’une durée totale de trois mois, B est persuadé d’avoir déniché la pépite cinématographique qui lui apportera enfin la renommée. Hélas, le film disparaît dans un incendie avant qu’il n’ait eu le temps de le dévoiler au monde. Le reste du roman – près de 600 pages – retrace les tentatives de B de reconstituer le film de mémoire, avec l’aide d’un hypnothérapeute plus ou moins compétent.
Mémoire et perception de la réalité
« Quiconque ayant déjà vu un film de Kaufman se sentira ici en terrain familier », note le scénariste et romancier américain Matthew Specktor dans The New York Times. En effet, ce premier roman exploite un certain nombre de thèmes chers à Kaufman, comme l’impossibilité de se fier à sa mémoire ou à sa perception de la réalité. L’auteur ne se départit pas non plus de son goût pour la métafiction, faisant de son protagoniste un pourfendeur acharné de ses propres films – « Kaufman est un cinéaste prétentieux et largement surévalué », déclare B. Si Matthew Specktor voit dans Antkind un livre à la fois « extrêmement bizarre » et « extrêmement réussi », Kevin Power, lui, l’a trouvé pour le moins indigeste : « J’ai mis trois ou quatre ans à lire le roman de Charlie Kaufman. Du moins, c’est l’impression que j’ai eue », raille-t-il dans la Literary Review.
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