Dans la cuisine des Churchill
Publié le 15 septembre 2020. Par Pauline Toulet.
Le 8 mai 1945, le jour de la victoire des Alliés sur l’Allemagne nazie, Winston Churchill harangue les foules depuis le balcon du palais de Whitehall, à Londres. Son discours terminé, il se tourne vers une petite dame replète d’une soixantaine d’années, lui serre la main et déclare : « Je n’aurais jamais pu y arriver sans vous ». Son épouse ? Une conseillère avisée ? Un membre de son cabinet de guerre ? Rien de tout cela : il s’agissait de sa cuisinière, Georgina Landemare. Dans Victory in the Kitchen, l’historienne britannique Annie Gray livre la biographie de celle qui assuma pendant quatorze ans la délicate mission de ravir les papilles de la famille Churchill.
L’ascension d’une cuisinière
Née en 1882 dans une famille modeste de l’Angleterre rurale, Georgina commence à travailler très jeune. D’abord préposée au récurage des casseroles, elle gravit peu à peu les échelons jusqu’à devenir une cuisinière estimée. Son mariage avec le chef français Paul Landemare achève d’asseoir sa réputation. En 1940, elle entre à plein temps au service de la famille Churchill, qui la connaît déjà pour avoir fait appel à elle lors de grandes réceptions.
Georgina apprend à composer avec les desiderata du Premier ministre, lequel a horreur des produits laitiers, rechigne à manger des légumes et raffole d’un curieux ragoût de cervelle d’agneau à la mangue. Et qui ne peut s’imaginer aller au lit sans avoir bu sa tasse de bouillon de poulet, dont il emporta plusieurs thermos à la conférence de Yalta. Mais Victory in the Kitchen n’est pas qu’une longue litanie des extravagances de Churchill : « Au travers de la vie de Georgina Landemare, l’auteure donne à voir l’évolution de la gastronomie et du statut de domestique sur près d’un siècle », pointe Alastair Mabbott dans le quotidien The Herald.
Les goûts de Churchill
Annie Gray « est incollable sur les différentes tendances culinaires de l’époque et sur ce que celles-ci révèlent du contexte social », renchérit Lucy Lethbridge dans l’hebdomadaire The Spectator. L’historienne chronique par exemple l’engouement soudain, à l’entre-deux-guerres, pour les plats exotiques ; la fricassée d’iguane étant considérée comme le summum du raffinement. « Incollable », Gray ne l’est pas tout à fait : elle avoue être incapable d’expliquer le succès, dans les années 1930, d’une horrible salade de pamplemousse, banane et mayonnaise.
À lire aussi dans Books : Madame Churchill sort de l’ombre, avril 2016.