Le dernier des paysans
Publié le 14 février 2019. Par Pauline Toulet.
Pendant quinze ans, Rafael Navarro de Castro a vécu à Madrid, travaillant comme machiniste pour le cinéma. En 2001, lassé de l’effervescence citadine, il part s’installer à Monachil, un village de 8 000 âmes niché dans la Sierra Nevada, en Andalousie. Là-bas, il construit une maison de ses mains, prend part aux travaux agricoles et, tâche non moins colossale, écrit un roman de 500 pages. Avec La tierra desnuda, chronique romanesque du monde paysan espagnol, Navarro de Castro fait une entrée remarquée en littérature.
Ruralité
Le livre retrace la vie de Blas, un paysan octogénaire d’un village de montagne reculé. Né en 1932, au lendemain de la proclamation de la IIe République, il grandit pendant la guerre d’Espagne et vit sous le franquisme. Il voit les campagnes se vider, les paysans disparaître au fil des générations, puis arriver les néoruraux, mus par un idéal romantique de retour à la nature. Au travers de la vie minuscule de Blas, c’est toute l’histoire récente de l’Espagne que Navarro de Castro déploie dans son roman.
Dépeuplement
La pression de l’économie de marché a eu raison du monde paysan tel qu’on l’entend traditionnellement. Si les campagnes représentent près de 75 % du territoire espagnol, elles sont désormais dépeuplées, souligne le romancier. Il existe encore des agriculteurs, naturellement, mais leur travail s’est bureaucratisé. Ils ne sont plus liés entre eux par une solidarité jadis indispensable, chacun travaillant sur la parcelle des autres pour pouvoir bénéficier à son tour de l’aide du groupe lors de ses propres récoltes. À une époque où certains hameaux voient mourir leur dernier habitant, Navarro de Castro semble avoir écrit le testament d’un monde englouti, « sans céder au misérabilisme, ni à la célébration fervente de la vie paysanne », note Francisco Solano dans El País.
À lire aussi dans Books : Dans le désert, novembre/décembre 2017.