Avant même sa parution, le premier roman de la journaliste hispano-vénézuélienne Karina Sainz Borgo était déjà un phénomène d’édition.
La hija de la española, dont l’action se déroule à Caracas, a fait sensation lors de la Foire du livre de Francfort en octobre dernier, les éditeurs d’une vingtaine de pays en ayant acquis les droits.
La situation actuelle du Venezuela n’est pas pour rien dans l’intérêt suscité par le roman. Pourtant, l’auteure insiste : il ne s’agit ni d’un reportage ni d’un récit autobiographique, mais bien d’une fiction. Sainz Borgo qualifie son roman de « biographie citoyenne ». « J’ai vécu tout le processus de démantèlement d’un État, d’une société, et ensuite, la violence est devenue le seul paysage », explique-t-elle dans un entretien
au quotidien vénézuélien El Nacional.
Survivre dans Caracas dévastée
Le roman s’ouvre sur la mort de la mère d’Adelaida Falcón, le personnage principal. Adelaida est correspondante pour un média étranger et survit tant bien que mal dans une Caracas dévastée. Lorsque son appartement est envahi par les femmes de main de la « Maréchale », une allégorie du pouvoir, Adelaida se réfugie chez une voisine. Elle découvre le corps sans vie de cette dernière, que l’on appelait dans le quartier « la fille de l’Espagnole ». Sur la table, une lettre annonçant qu’un passeport espagnol lui a été accordé du fait de son ascendance. Adelaida décide alors d’usurper l’identité de sa voisine pour fuir le pays et s’installer en Espagne.
Sainz Borgo a quitté elle aussi Caracas pour l’Espagne, en 2006, du temps où Hugo Chávez était au pouvoir. Elle est « une journaliste respectée. Précisément pour ses qualités d’écriture (concision, usage de métaphores vives, goût raffiné, exigence intellectuelle) qui se déploient de façon encore plus manifeste dans ce premier roman »,
commente Carlos Pardo dans
Babelia, le supplément culturel du quotidien
El País.
Roman manichéen
Le critique reproche toutefois au roman son manichéisme. « “Les enfant de la révolution” sont vulgaires, tarés, semi-analphabètes, basanés, obèses et dégagent une odeur aigre et suspecte ». « Le roman ne parvient pas à transformer le ressentiment en véritable objet littéraire », estime Carlos Pardo.
Le roman sera-t-il lu au Venezuela ? C’est peu probable, l’industrie du livre y étant démantelée. Sans compter l’inflation galopante : « Mon livre doit coûter l’équivalent de six ou sept fois le salaire d’un professeur d’université. Ce n’est pas le régime qui va me censurer, mais l’isolement et la pauvreté », regrette Sainz Borgo dans une
interview donnée à l’édition espagnole du HuffPost.
À lire aussi dans Books : «
Survivre à Caracas », avril 2019.