« Espèce de… » : décryptage de l’insulte
Publié le 2 février 2018. Par La rédaction de Books.
L'insulte, © Diaphana Distribution
Dans L’insulte de Ziad Doueiri, un Palestinien et un Libanais se retrouvent au tribunal pour un mot de trop. Dans le contexte des tensions entre leurs deux peuples, l’injure est bien plus qu’un simple mot. Elle est profondément politique et raciste. Mais tous les noms d’oiseaux le sont, affirme la linguiste Laurence Rosier. Dans son Petit traité de l’insulte, elle souligne que « l’insulte est par essence une haine raciale ».
Elle sert à dessiner un clivage entre deux camps opposés, celui dans lequel se positionne le locuteur et celui dans lequel il met le destinataire. Pour Laurence Rosier, toute insulte est ainsi fondée sur des stéréotypes. Les injures révèlent la manière dont on « pense la différence ».
Les expressions construites comme « espèce de… » en sont l’exemple parfait. La catégorie visée que ce soit un animal, une nationalité ou autre chose permet de caractériser l’insulté. Mais elle engage aussi le locuteur qui se classe ainsi lui-même par opposition.
Laurence Rosier classe les insultes en quatre types : les sociotypes (liées aux professions et attitudes sociales), les ethnotypes, les sexotypes (en lien avec le genre ou l’orientation sexuelle) et les ontotypes (touchant à l’essence de la personne, comme « idiot », « imbécile »…).
« De tout temps, on retrouve dans le fonds de commerce de l’insulte la désignation de l’autre, de l’étranger, tout ce qui est à caractère sexuel et puis, même si ça a peut-être évolué, les insultes à caractère religieux. Aujourd’hui, des insultes mêlent identité et religion comme « sale juif » ou « sale musulman », avec un caractère plus politique », écrit-elle.
Les mots eux-mêmes portent rarement l’insulte. Certains, comme « bougnoule » par exemple, ont une histoire qu’il est difficile d’ignorer. Mais la plupart des insultes ne prennent leur sens qu’en contexte. « Petit con » peut-être affectueux, mais « atmosphère », mot neutre au demeurant devient blessant par un jeu de quiproquo dans la bouche d’Arletty. Le sous-entendu, les stéréotypes convoqués et le contexte portent l’insulte.
A lire aussi dans Books : Scatologie allemande, mai 2013.