Les états d’âme d’une gauchiste américaine
Publié le 8 décembre 2019. Par Amandine Meunier.
L’essayiste américaine Meghan Daum avait décidé d’écrire un livre sur ce qui ne va pas dans le féminisme du XXIe siècle qui était devenu, selon elle, un bruyant ramassis de récriminations, de hashtags vengeurs, de propos misandres et d’exhibitionnisme… Depuis quand les femmes sont-elles devenues si contentes de se considérer comme des victimes ? Et puis Donald Trump a été élu.
L’hypocrisie de la gauche
Et là, Daum, qui a voté pour les démocrates toute sa vie, a non seulement cessé de se reconnaître dans le mouvement féministe et ses bonnets roses en forme de vulve, mais aussi dans la gauche libérale rangée derrière ses nouveaux activistes « woke » – si « vigilants » en matière d’injustices raciales, de genre ou de sexe. « En faisant du combat contre Trump une urgence morale qui nécessiterait une mobilisation générale et l’adhésion à une doxa politique et culturelle, la gauche a pavé la voie à l’émergence d’une sorte de police de la pensée », écrit-elle dans The Problem with Everything.
« Elle se décrit comme une libérale qui débusque l’hypocrisie dans sa propre maison », remarque Emily Witt dans The New Yorker. Mais dans son livre elle parle surtout « du fait de sentir vieille, de passer trop de temps sur les réseaux sociaux, et de rejeter les idées politiques des jeunes ».
Les étiquettes des activistes
Insistant sur les différences entre sa génération (elle est née en 1970) et les nouveaux activistes de gauche, elle regrette que leur politiquement correct aboutisse à l’abolissement de toute nuance et participe à la transformation du débat public en une guerre de tranchées. « Je pense que les étiquettes sont en partie responsables de la situation dans laquelle nous sommes. Ces étiquettes ̶ que ce soit badass ou bigot, social justice warrior ou suprémaciste blanc ̶ écrasent toute contradiction. Elles nous volent notre droit le plus élémentaire de débattre », assure-t-elle.
« Mais les gens qui sont descendus dans la rue après les bavures policières, ont dénoncé publiquement des prédateurs sexuels, et ont insisté sur une la reconnaissance dans le langage des identités de genre, n’étaient visiblement pas plombés par les états d’âme de Daum », souligne Witt. « Il est frappant que Daum ignore les répercussions positives de ces mouvements ou les risques réels pour leur sécurité ou leur réputation qu’ont pris les gens qui les ont initiés », conclut-elle.
À lire aussi dans Books : Bret Easton Ellis contre le conformisme, septembre 2019.