Foule dictatoriale
Publié le 27 septembre 2019. Par Pauline Toulet.
Le journaliste britannique Douglas Murray ne cache pas son goût pour la polémique. Auteur d’un best-seller au titre provocateur, L’étrange suicide de l’Europe(L’artilleur, 2018), ses prises de positions conservatrices sur l’immigration ou l’islam enthousiasment autant qu’elles exaspèrent. Et ce n’est pas avec The Madness of Crowds que Murray apaisera les esprits. Dans cet ouvrage, « il dissèque les contradictions et les excès des prétendus mouvements pour la justice sociale, qui nous entraînent vers davantage de polarisation et de discorde », commente Lionel Shriver dans The Times.
Pour Murray, le XXe siècle est marqué par l’effondrement de tous les grands récits et, la nature ayant horreur du vide, une nouvelle idéologie n’a pas tardé à apparaître : celle de l’affirmation identitaire et de la dénonciation de l’oppression. Des termes tels que « privilège blanc » ou « masculinité toxique » sont désormais monnaie courante dans le discours public. Et Murray de s’en étonner, puisque selon lui, nos sociétés contemporaines n’ont jamais été aussi égalitaires. Si les luttes pour la reconnaissance des droits des Afro-Américains ou pour l’égalité des sexes étaient nécessaires il y a quelques décennies, les combats contemporains, en revanche, ne servent qu’à diviser le corps social, estime-t-il.
Naturellement, nombreux sont ceux trouvant Murray bien prompt à déclarer l’avènement d’une égalité de fait dans nos sociétés. « Il offre un tendre Évangile d’amour et de pardon, capable, selon lui, de nous débarrasser des toxines politiques et culturelles qui ont tant empoisonné nos vies. Mais creusez un peu et vous verrez que son récit de l’histoire récente est clair : habilités par des universitaires de gauche, des minorités ont inventé de toutes pièces l’existence de conflits et de haines, polluant notre harmonieuse société pour leur bon plaisir », ironise William Davies dans The Guardian. Et il poursuit en regrettant que Murray ne parle pas du mouvement Black Lives Matter. « Probablement parce qu’il est impossible de l’évoquer sans reconnaître ce qui l’a déclenché : des Noirs abattus par des agents de police », pointe Davies.
À lire aussi dans Books : MeToo, les limites d’une révélation culturelle, mai/juin 2018.