Iñaki Uriarte, le succès fou d’un diariste sans prétention
Publié en février 2020. Par Pauline Toulet.
Alors qu’il avait une vingtaine d’années, Iñaki Uriarte prit la résolution d’éviter autant que possible de travailler. Depuis, il s’y tient. En dehors de quelques critiques de livres rédigées de temps à autre pour le quotidien basque El Correo, il vit grâce aux rentes d’un petit appartement dont il a hérité. Son temps, il le passe à lire, à regarder les passants depuis la terrasse d’un café de Bilbao et à dialoguer avec son chat Borges. Iñaki Uriarte aurait pu rester un critique littéraire occasionnel et couler ainsi des jours heureux dans l’anonymat. Mais un jour de l’année 1999, des ennuis de santé le clouent à un lit d’hôpital. Pour tuer l’ennui, il commence à tenir un journal.
L’exercice lui plaît et, même après son rétablissement, il continue à documenter son quotidien. La publication, en 2010, du premier volume de son journal lui vaut, à la surprise générale, une pluie d’éloges de la part de grands noms des lettres espagnoles tels qu’Enrique Vila-Matas. « Peut-être parce que [Iñaki Uriarte] est un lecteur et un observateur apparemment étranger au stress de la vie quotidienne, quelqu’un d’intelligent, qui a le don de distiller des réflexions pleines de justesse » note le journaliste Llàtzer Moix dans le quotidien barcelonais La Vanguardia.
« Heureusement que toutes mes amies sont mortes », aurait déclaré la mère d’Uriarte après avoir lu le premier tome de son journal. Depuis, deux autres volumes ont été publiés en 2011 et 2015, et une édition complète de ces Diarios vient de paraître (les éditions Séguier en ont publié fin 2019 une sélection en français sous le titre Bailler devant Dieu). S’y trouvent pêle-mêle des réflexions sur la littérature, des portraits ironiques de personnalités du milieu intellectuel espagnol, des descriptions de ces infra-moments que seuls les oisifs prennent le temps d’observer. En véritable styliste du détachement, Uriarte « ne fait aucun effort pour être à la page, ni pour feindre d’admirer les nouvelles coqueluches du monde de la culture. Il prend même un malin plaisir à consigner certaines des âneries grandiloquentes que débitent régulièrement d’illustres esprits » commente l’écrivain Antonio Muñoz Molina dans le quotidien El País.
À lire aussi dans Books : Le fétichiste du quotidien, juillet-août 2013.