Ingeborg Bachmann et le soldat anglais
Publié dans le magazine Books n° 26, octobre 2011.
Avant de faire tourner la tête à deux des plus grands auteurs germanophones de la seconde moitié du XXe siècle – Paul Celan et Max Frisch –, la grande poétesse autrichienne Ingeborg Bachmann s’amouracha d’un jeune soldat anglais, Jack Hamesh. Nous sommes en 1945. Bachmann est convoquée dans les bureaux de la 8e armée britannique, stationnée en Carinthie.
Avant de faire tourner la tête à deux des plus grands auteurs germanophones de la seconde moitié du XXe siècle – Paul Celan et Max Frisch –, la grande poétesse autrichienne Ingeborg Bachmann s’amouracha d’un jeune soldat anglais, Jack Hamesh. Nous sommes en 1945. Bachmann est convoquée dans les bureaux de la 8e armée britannique, stationnée en Carinthie. Hamesh l’y interroge sur son appartenance à une organisation de jeunesse hitlérienne. Elle le trouve petit et laid. Lui, qui est né Juif autrichien, qui n’a pu fuir qu’in extremis vers l’Angleterre en 1938, sans ses parents, morts, eux, en camp de concentration, aurait toutes les raisons de haïr cette fille d’un nazi convaincu. Pourtant, un attachement naît. Bientôt, Hamesh embrasse sa main, et Ingeborg jure de ne plus jamais la laver. « C’est grâce à la littérature, aux discussions sur les auteurs jusqu’alors interdits comme Stefan Zweig, Arthur Schnitzler ou Thomas Mann, qu’un pont peut se créer par-dessus l’abîme qui les sépare », rapporte le Tagesspiegel.
Actes Sud publie le journal que tint Bachmann à cette époque, suivi des lettres d’amour que Hamesh lui fit parvenir en 1946-1947 d’Israël, où il avait émigré. Celles que lui envoya la jeune femme n’ont pas été retrouvées. Pas plus, à vrai dire, que Jack Hamesh lui-même, dont ces lettres sont les derniers signes de vie.