La bévue de la déradicalisation
Publié le 26 janvier 2016. Par La rédaction de Books.
Image de propagande de l'Etat Islamique
Deux unités dédiées aux détenus radicalisés ont ouvert leurs portes lundi dans les prisons d’Osny et de Lille. Ces détenus particuliers ne seront pas seulement isolés, ils seront soumis à un programme alliant entretiens individuels, groupes de parole et conférences. La stratégie de déradicalisation en est encore, en France, à ses balbutiements ; mais elle s’inscrit dans le sillage des programmes mis en œuvre à travers le monde depuis les attentats du 11 septembre 2001. Des programmes qui se concentrent toujours sur l’aspect idéologique et religieux, relève le politologue Omar Ashour dans The deradicalization of Jihadists. L’objectif est de réfuter la doctrine et l’interprétation religieuse des groupes terroristes pour en détourner les individus concernés. Instaurer un dialogue entre les participants et des imams modérés est classiquement l’un des vecteurs utilisés pour convertir les djihadistes à une lecture plus pacifique de l’islam.
Mais, comme le soulignent Omar Ashour et la plupart des spécialistes, la conviction idéologique est rarement le ressort fondamental de la radicalisation. Aux yeux de Marc Sageman, dans Leaderless Jihad, c’est le désir d’appartenance à une communauté qui apparaît comme la première motivation des jeunes qui rejoignent ces groupes, en particulier parmi les populations musulmanes d’Europe. Face à une société dans laquelle ils éprouvent frustration et humiliation, ils ressentent le besoin de rejoindre un groupe porteur de sens. Le sociologue Farhad Khosrokhavar explique lui aussi dans Radicalisation que l’appartenance à une « communauté musulmane chaleureuse et mythiquement homogène » est cruciale. L’entourage amical, familial, ou la présence d’une personnalité perçue comme un mentor joue donc un rôle majeur dans le processus de radicalisation. Pour les chercheurs, c’est donc moins une alternative idéologique que doivent proposer ces programmes que la construction d’autres groupes d’appartenance.