Lanzmann, l’artiste et le néant

La personnalité déplaisante du cinéaste, son égotisme ridicule, son manichéisme absurde, sa dévotion aveugle envers Israël, qui a financé ses films, et son idolâtrie de la force discréditent son œuvre aux yeux de certains. À tort. Les petitesses de l’homme n’entament pas la grandeur de l’artiste qui a su, avec ce chef-d’œuvre absolu qu’est Shoah, exprimer comme nul autre l’inexprimable.

Selon le bon mot d’Oscar Wilde (qui s’y connaissait mieux que la plupart d’entre nous sur ce sujet), « s’aimer soi-même, c’est l’assurance d’une longue histoire d’amour ». Quiconque en douterait pourra constater que l’écrivain était plutôt en deçà de la vérité en se plongeant dans les Mémoires à la fois fascinants et rebutants de Claude Lanzmann, Le Lièvre de Patagonie. Même les histoires d’amour les plus enflammées ont tendance à tiédir avec le temps. Pourtant, à 86 ans, Lanzmann est toujours épris de Claude Lanzmann, et l’ardeur de sa passion semble n’avoir fait qu’augmenter avec les décennies (1). Jusque dans le titre du livre – référence à une espèce de lièvre, dont il a vu bondir des dizaines de spécimens devant ses phares alors qu’il traversait une sombre forêt du nord de la Yougoslavie durant un voyage dans la région au début des années 1950 – il se livre à un acte d’appropriation primitive (2). Pour Lanzmann, le lièvre est la pure expression, sous forme animale, de la force de vie, du désir de liberté. ...
LE LIVRE
LE LIVRE

Le Lièvre de Patagonie de Lanzmann, l’artiste et le néant, Gallimard

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