Cléopâtre n’était pas une amante fiévreuse, ni même forcément très belle, et elle n’aurait eu que deux amants : Jules César et Marc Antoine. Certes, la passion a pu jouer un rôle dans ses relations, mais sans doute pas autant que la nécessité politique de sauver le royaume en déclin dont elle avait hérité à l’âge de 18 ans, en 51 av. J.-C. C’est du moins ce qu’affirme Stacy Schiff dans la biographie qu’elle lui consacre. « Elle savait bâtir une flotte, mater une insurrection, vaincre une famine », explique ainsi l’auteur de ce
bestseller. Mais son pouvoir était fragile et elle a eu besoin de César pour remporter la guerre civile et s’imposer sur le trône. Réciproquement, l’empereur romain comptait sur l’Égypte pour s’enrichir et consolider son pouvoir.
Après l’assassinat de son amant, Cléopâtre a jeté son dévolu sur Marc Antoine, qui contrôlait l’Est de l’espace méditerranéen. « Ses ennemis la traitaient de traînée, mais la séduction fait partie de la diplomatie. Cléopâtre savait cajoler, faire rire, flatter et intimider. Quand elle va à la rencontre de Marc Antoine, elle débarque à Tarse sur une barge vêtue comme Vénus et entourée de cupidons », rapporte
Newsweek, décrivant la dernière reine d’Égypte comme une femme « indépendante, charismatique, ambitieuse ». Et pragmatique ! « Elle a épousé ses frères quand elle en a eu besoin, elle les a tués quand ce n’était plus le cas », rappelle Marie Arana dans le
Washington Post.
Pour celle-ci, le plus fascinant, dans cette biographie, est encore de voir « à quel point l’histoire a été déloyale envers elle » : au lieu de se souvenir de son intelligence stratégique, le monde entier n’a retenu que ses liaisons mélodramatiques et son suicide tragique qui marqua la fin de l’indépendance de l’Égypte. Lauréate du prix Pulitzer en l’an 2000, Stacy Schiff était bien décidée à « réparer cette injustice ». Une tâche qui n’avait rien de facile, tant les sources sur cette période sont rares et souvent peu fiables. La cité antique d’Alexandrie est sous les eaux. Les premiers poètes, historiens et biographes à avoir écrit sur Cléopâtre l’ont fait plus d’un siècle après sa mort. Et ils étaient pour la plupart romains, et donc enclins à affirmer la supériorité de Rome sur Alexandrie, la capitale décadente de leurs ennemis. Pour Plutarque et ses semblables, la reine d’Égypte était le symbole démoniaque d’une sexualité insatiable et des amours interdites. Avec le livre de Stacy Schiff, « Cléopâtre reste une séductrice orientale, mais désormais, elle a un cerveau », se réjouit
Slate [Pour un point de vue différent, lire
Books, octobre 2010].