Le mal en héritage
Publié dans le magazine Books n° 81, janvier / février 2017.
C’est un livre « à l’architecture et à la finesse sans pareilles, un roman qui englobe Treblinka, Stalingrad et la guerre civile espagnole, mais aussi le monde ténébreux des secrets de famille et celui, concret, des sensations de l’enfance. » C’est en ces termes que le Svenska Dagbladet salue, à l’unisson de la presse suédoise, le premier et dernier roman de Caterina Pascual Söderbaum.
Avant « L’endroit déformé », l’auteure n’avait publié qu’un seul livre, un recueil de nouvelles paru en 2001. Restée inconnue du grand public, elle est décédée prématurément de maladie en décembre 2015, à 53 ans, quelques mois seulement avant l’envoi à l’imprimerie de « L’endroit déformé ». D’une ambition colossale, ce roman se veut une réflexion sur le mal et l’effondrement moral des êtres, directement inspirée de l’histoire familiale lourde de l’auteure.
Née d’une mère suédoise et d’un père catalan, Caterina Pascual Söderbaum a grandi en Catalogne : son grand-père s’était enrôlé dans la Wehrmacht pendant la guerre et son père avait fait carrière dans l’armée de Franco. Sa mère, elle, était une parente de l’actrice Kristina Söderbaum, épouse de l’auteur du tristement célèbre film de propagande antisémite Le Juif Süss.
Avec « L’endroit déformé », Caterina Pascual Söderbaüm livre un récit tentaculaire, à cheval sur les lieux et les époques, dans une langue truffée de mots catalans, espagnols et français. Le roman résonne de la première à la dernière page de la quête d’un « comment ? ». Comment des individus a priori ordinaires « en viennent à regarder leurs vies de telle sorte qu’il devient possible d’adhérer aux idées d’Hitler et de Franco » ? Et comment, pour leurs enfants, vivre avec un tel héritage ? « Il est impossible d’obtenir une image complète et définitive de l’histoire, mais “L’endroit déformé” est la tentative la plus complexe et limpide qu’il nous ait été donné de lire depuis très, très longtemps », estime l’Uppsala Nya Tidning.