Le pétrole, malédiction des femmes
Publié le 25 avril 2016. Par La rédaction de Books.
Le prince Mohammed Ben Salman a fait adopter par le Conseil des ministres, ce lundi, un vaste plan de refonte du système économique et social saoudien, pour réduire la dépendance du pays envers le pétrole. Et les milieux progressistes veulent croire que les réformes s’étendront bien au-delà depuis que le vice-prince héritier a glissé à des journalistes : « Les femmes ont des droits dans l’islam qu’il leur faut encore obtenir dans la réalité ». De là à faire le lien entre la relative fin de règne du pétrole et un assouplissement possible du patriarcat, il y a un pas que le professeur de science politique Michael Ross n’hésiterait sans doute pas à franchir. Dans The Oil Curse: How Petroleum Shapes The Development of Nations, il assure que l’inégalité entre hommes et femmes, dans les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, a plus de rapport avec l’or noir qu’avec la culture musulmane.
Les hydrocarbures représentent 90 % du PIB saoudien, précise Ross. Mais il s’agit d’un secteur très peu consommateur de main-d’œuvre, qui n’emploie que 1,6 % de la population active. En outre, cette manne a découragé la création d’une industrie exportatrice créatrice de travail. Moyennant quoi les sociétés concernées n’ont jamais eu besoin de mobiliser la main-d’œuvre féminine. Et les femmes n’ont jamais eu besoin de travailler, étant donné les généreuses subventions allouées aux familles et les salaires élevés versés aux hommes grâce à l’argent du pétrole. Or c’est le travail des femmes qui fait reculer les inégalités, assure Ross à la lumière d’exemples est-asiatiques. Pour se développer, ces sociétés traditionnellement agraires et patriarcales ont dû se transformer en importants pôles industriels, où le recours à la main-d’œuvre féminine était indispensable. Quittant le foyer pour l’usine, les femmes s’insèrent plus activement dans la société et ont davantage d’influence dans tous les domaines. A l’appui de sa thèse, Ross compare d’ailleurs l’Algérie riche en pétrole et le Maroc dépourvu d’hydrocarbures. Ce dernier a beau être une monarchie traditionnelle, les femmes y jouissent d’un statut (relativement) plus favorable.