Les métamorphoses du scandale

Nos sociétés blasées ne croient plus au potentiel subversif de l’art. Une longue succession de scandales, des écrits de Diderot au Sacre du printemps de Stravinsky en passant par l’Olympia de Manet, ont anesthésié notre capacité d’indignation. L’attentat contre Charlie Hebdo comme la répression des Pussy Riot en Russie illustrent pourtant la nécessité du droit de choquer.


Crédit : Graeme Churchard
J’ai depuis longtemps la nostalgie de l’âge du choc. C’est avec une certaine affection que je songe à cette folle année 1857, qui s’ouvrit sur le procès intenté à Gustave Flaubert pour son premier roman, Madame Bovary (en présence d’un sténographe engagé par l’écrivain, pour l’édification d’une postérité incrédule), suivi six mois plus tard par le procès de Charles Baudelaire pour son premier recueil de poèmes Les Fleurs du mal. Dans les deux cas, le malheureux substitut du procureur était Ernest Pinard, qui déplora « cette fièvre malsaine qui porte à tout peindre, à tout décrire, à tout dire ». L’âge des grands procès ! Sinon des procès, du moins des scandales : le soir de la première du Sacre du printemps de Stravinsky, en 1913, hué par le public ; ou l’espiègle Fontaine de Duchamp, ce fameux urinoir signé « R. Mutt » proposé pour l’exposition de la Société des artistes indépendants à New York, en 1917, mais rejeté par le comité directeur. J’étais nostalgique parce qu’il me semblait qu’il n’était plus possible de choquer....
LE LIVRE
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Soumission de Michel Houellebecq, Flammarion, 2015

ARTICLE ISSU DU N°64

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