Les poèmes de Guantanamo
Publié le 24 février 2016. Par La rédaction de Books.
Barack Obama a dévoilé mardi son plan pour fermer Guantánamo. Depuis l’ouverture du camp en 2002, on le sait, des centaines de personnes – 760 exactement – y ont été incarcérées. Bon nombre d’entre elles, on le sait moins, y ont écrit de la poésie. En 2007, Mark Falkoff, avocat de dix-sept détenus, a publié vingt-deux de ces textes dans Poems from Guantánamo: Detainees Speak (traduit deux ans plus tard sous le titre Poèmes de Guantánamo). Face aux conditions d’enfermement particulièrement difficiles, de nombreux prisonniers ont trouvé une échappatoire dans la poésie, art majeur dans la culture musulmane. Un seul des auteurs publiés, Abdul Rahim Muslim Dost, avait déjà rédigé des vers avant son incarcération. Il assure en avoir écrit 25000 autres pendant son séjour à Guantánamo. C’était pour lui et ses co-détenus un moyen de ne pas perdre l’esprit, de se stimuler intellectuellement ou de prier. Avant d’obtenir le droit au papier et aux crayons, certains gravaient leurs vers avec l’ongle, sur la vaisselle jetable en polystyrène.
L’étonnante aventure de ce livre a commencé en 2005, quand Marc Falkoff découvre deux poèmes au milieu des lettres de ses clients, et décide d’en rassembler d’avantage afin de les publier. Les autorités américaines craignent que ces textes servent de propagande ou de messages codés. Elles acceptent cependant d’en déclassifier quelques-uns. Ces poèmes ne sont donc pas toujours d’une facture extraordinaire, ni leurs propos particulièrement originaux par rapport à la longue tradition de la poésie de prison musulmane. Mais « on ne lit pas ce livre pour le plaisir, on le lit pour sa valeur de témoignage », estime Dan Chiasson dans le New York Times. Témoignage de souffrance, de frustration, de rage anti-américaine. De conviction djihadiste, aussi ? Pas vraiment, explique l’universitaire Flagg Miller dans sa préface, qui souligne la « relative absence d’imagerie religieuse déclarée, de vocabulaire archaïque et de thèmes historiques », éléments classiques de la littérature extrémiste. Reste que deux de ces poètes sont devenus, après leur libération, d’importantes figures du djihad.
En savoir plus : Les poètes du djihad, Books, octobre 2015.