Tout bien réfléchi
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L’étoile rouge au cœur


L’étoile rouge doit être protégée, a assuré un député communiste russe devant la Douma. Il veut interdire aux entreprises étrangères d’utiliser ce symbole soviétique (plusieurs marques le font déjà, des chaussures Converse à l’eau San Pellegrino). Sa requête n’a rien d’étonnant. Dans la Russie de Poutine, l’URSS a souvent une image positive, souligne l’historienne Marlène Laruelle, auteure du Nouveau Nationalisme russe. A la fin des années 1990, 78 % des Russes considéraient que l’ère Brejnev avait été la meilleure de leur vie. Et en 2001, seuls 7 % des sondés pensaient que l’URSS n’avait aucun côté positif. Selon Marlène Laruelle, la population associe l’ère soviétique à la sécurité de l’emploi, l’absence de tensions interethniques et la stabilité économique.

La nostalgie n’est pas loin. Aujourd’hui, les références à la période communiste abondent dans l’espace public russe, rappellent les universitaires Anna Louyest et Graham Roberts dans la Revue Canadienne des Slavistes consacrée à « la nostalgie, la culture et l’identité dans l’Europe centrale et de l’est ». Les parades militaires ont de nouveau lieu sur la place rouge, et les cérémonies d’ouverture et de clôture des Jeux olympiques de Sotchi ont multiplié les allusions aux Jeux de Moscou de 1980. Internet fourmille de sites et autres blogs consacrés aux souvenirs de l’enfance soviétique. De la réapparition de marques de chocolat de l’époque à la réhabilitation d’artistes oubliés, la nostalgie prend des formes variées. Mais « c’est dans l’art que cette nouvelle (n)ostalgie trouve peut-être son expression la plus complexe », écrivent Louyest et Roberts, citant le roman La fin de l’homme rouge de Svetlana Alexievitch et le film « La Russie que nous avons perdue » de Stanislav Govorukhin.

Un sentiment qui n’épargne pas les anciens satellites de l’URSS. « En 2004, dans huit pays de l’Est, plus de 50 % de la population avait une vision positive de la période communiste », note ainsi Marlène Laruelle. Non sans une mise en garde : « Cette nostalgie ne doit pas être confondue avec un désir de restaurer le régime précédent ». Elle reflète surtout « une certaine insatisfaction vis-à-vis du monde moderne ».

LE LIVRE
LE LIVRE

Le nouveau nationalisme russe de Marlène Laruelle, Editions de l'Oeuvre , 2010

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