Ce qui motive Poutine


En annonçant mercredi 15 janvier une grande réforme constitutionnelle qui sera soumise à référendum, Vladimir Poutine relance les spéculations sur le rôle qui sera le sien à l’issue de son mandat, en 2024, puisque, en vertu de la Constitution actuelle, il ne peut pas se représenter.

L’homme fort de la Russie depuis deux décennies ne semble pas disposé à quitter le pouvoir et pourrait rester à la tête du Conseil d’État, dont il souhaite voir les pouvoirs renforcés. Il se créerait ainsi un rôle sur mesure de « père de la nation, qui lui permettrait de continuer à intervenir quand il le juge nécessaire sans avoir à s’embarrasser de la gestion quotidienne du pays », note Mark Galeotti, chercheur en relations internationales spécialiste de la Russie sur le site de The Spectator.

Est-ce une manière de commencer à se retirer, de s’assurer un pouvoir à vie ou bien simplement d’assurer ses arrières ? Car s’il passe en Occident pour un autocrate machiavélique, un kleptocrate, voire le dernier avatar du totalitarisme soviétique, Galeotti, qui a étudié finement sa personnalité dans son dernier livre We Need to Talk about Putin, assure qu’il est avant tout opportuniste et patriote.

Galeotti rappelle ainsi que la passion de l’homme fort de la Russie n’est pas les échecs mais le judo. Poutine n’est pas stratège. Galeotti juge d’ailleurs que le système poutinien agit au coup par coup.

Et qu’est-ce que motive Poutine ? Pas l’argent. L’argent vient à lui sans qu’il ait à s’en soucier. Poutine n’a pas non plus de programme idéologique, assure Galeotti. Il n’est pas plus conservateur que nationaliste ou eurasiste. Les interventions de la Russie en Géorgie en 2008 et en Ukraine en 2014 étaient davantage de l’opportunisme que le signe d’une réelle volonté de reconstituer le territoire de l’Union soviétique. Et son opposition à l’Occident est purement pragmatique. Il est convaincu que dans le grand jeu des nations, la Russie ne peut l’emporter qu’aux dépens des autres puissances.

Car la Russie doit l’emporter. La grandeur de son pays est, outre le pouvoir lui-même, la seule chose qui motive Poutine. Il est « viscéralement patriote » et « croit que la Russie doit être considérée comme une grande puissance… parce que c’est la Russie », écrit Galeotti.

À lire aussi dans Books : Les guerres de Poutine, décembre 2016.

LE LIVRE
LE LIVRE

We Need to Talk About Putin: Why the West gets him wrong, and how to get him right de Mark Galeotti, Ebury Press, 2019

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