Pasteurs de père en fils

La plupart des livres consacrés aux familles de pasteurs en Allemagne s’intéressent à ceux de leurs rejetons qui ont connu des destins hors normes : Hermann Hesse, Friedrich Nietzsche, la terroriste Gudrun Ensslin, ou encore Angela Merkel. C’est oublier que, jusqu’au XXe siècle, les fils de pasteur devenaient souvent eux-mêmes pasteurs. L’historien et journaliste Cord Aschenbrenner le souligne avec sa monographie d’une lignée, les Hoerschelmann, qui a produit neuf générations d’hommes d’Église. L’ambition est double : d’un point de vue anthropologique, Aschenbrenner éclaire la place essentielle mais paradoxale qu’ont longtemps occupée les familles de pasteurs. Au centre de la communauté, elles y faisaient aussi figure d’exception. Soumis plus que tout autre aux regards des voisins, leurs membres se devaient d’être exemplaires : propres, polis, bien habillés mais sans ostentation. D’un point de vue historique, la trajectoire des Hoerschelmann recoupe en partie celle des minorités allemandes. Cette famille avait la particularité de s’être installée aux marges de l’espace de peuplement germanophone, à Tallinn, la grande ville estonienne, dès le début du XVIIIe siècle. « Pour nombre d’Allemands de Tallin, notamment les nobles, il était impensable de communier avec des Estoniens », rappelle le Neue Zürcher Zeitung. Presque tous les Hoerschelmann tentèrent de combler le fossé entre les deux peuples. Ils fondèrent notamment des écoles pour les enfants de paysans estoniens. En vain : en 1939, l’une des clauses du pacte germano-soviétique entraîna le rapatriement de tous les Allemands d’Estonie. Ministres de Dieu compris.
LE LIVRE
LE LIVRE

Le presbytère. Trois siècles de foi, d’esprit et de pouvoir : une histoire familiale de Cord Aschenbrenner, Siedler, 2015

SUR LE MÊME THÈME

Périscope Oiseaux de nuit
Périscope Pour un « au-delà du capitalisme »
Périscope Naissance d’un poème

Aussi dans
ce numéro de Books