Ce que la pensée doit aux sentiments
Avec L’ordre étrange des choses, Antonio Damasio compte bien réparer une injustice qui dure depuis des siècles : « J’estime que les sentiments propulsent, évaluent, négocient nos activités et nos productions culturelles, et que leur rôle n’a pas été jusqu’ici reconnu à sa juste valeur ». Ce célèbre professeur de neurologie a pour ambition de démanteler le postulat, hérité des philosophes dualistes de la Grèce antique, de l’existence d’une séparation nette entre le corps et l’esprit, entre la pensée rationnelle et les affects.
Damasio insiste sur la notion d’ « homéostasie », qui désigne la propension de tous les organismes à réguler leur milieu interne, à maintenir leurs constantes physiologiques à des valeurs qui ne s’écartent pas de leur normale vitale. Dans le cadre de l’homéostasie, « il existe un dialogue organique entre notre processus biologique et les sentiments qui découlent de notre examen continu de ce dernier ». Ces sentiments et sensations « imprègnent continuellement la pensée consciente et, en définitive, dirigent le comportement humain », analyse Adrian Woolfson dans Nature.
Damasio montre que la cognition est distribuée : la pensée ne procède pas seulement du cerveau, de nombreux tissus du corps humain contribuent au fonctionnement de l’esprit. N’en déplaise à Platon ou à Aristote, le corps physique et son système nerveux ne sont donc pas à négliger lorsque l’on s’intéresse aux productions culturelles de la pensée humaine.
A lire aussi dans Books :Le problème de la conscience reste entier, octobre 2011.