Le pornographe de Barcelone

Joan Sanxo Farrerons (1887-1957) eut plusieurs vies : dans les années 1910, il fut un ardent promoteur de la culture et du folklore catalans, avant de devenir le principal auteur et éditeur de romans érotiques en espagnol des années 1920 et 1930, puis un manager de boxeurs.

Dans El sardanista pornógrafo, l’hispaniste français Jean-Louis Guereña, spécialiste de la sexualité des Espagnols, tire de l’oubli cette figure énigmatique et méconnue de l’histoire culturelle de Barcelone, dont le parcours épouse tous les soubresauts de l’époque, note le journaliste Carles Cols dans le quotidien catalan El Periódico.

Dictature et romans érotiques

En 1923, le général Miguel Primo de Rivera instaure une dictature et interdit l’usage du catalan dans la sphère publique. Sanxo Farrerons, sans doute pour éviter les persécutions politiques, change radicalement de cap. Il devient éditeur et imprimeur, et se met à écrire à la chaîne des romans érotiques illustrés dont il inonde les kiosques et les librairies de rue de Barcelone. Cela lui vaut plusieurs amendes, saisies de livres et interpellations.

La proclamation de la IIe République, en 1931, n’apporte pas le vent de liberté sexuelle espéré. Soucieuses de ne pas donner des arguments à leurs détracteurs, les autorités républicaines partent en guerre « contre l’immoralité ». Pour échapper à la censure, Sanxo Farrerons continue à écrire du porno, parfois SM et souvent anticlérical sous pseudonyme. C’est ainsi qu’il publie cette année-là son œuvre la plus connue, «  Nudisme intégral. Une nouvelle vision de la vie ».

Mais Sanxo Farrerons n’édite pas que de l’érotisme, raconte Guereña dans le quotidien en ligne El Confidencial. Il avait beau être un républicain convaincu, c’est de son imprimerie qu’est sortie la première traduction espagnole de Mein Kampf. Une énigme de plus.

À lire aussi dans Books : Quand la pornographie tenait salon, décembre 2011-janvier 2012.

LE LIVRE
LE LIVRE

El sardanista pornógrafo de Jean-Louis Guereña, Renacimiento, 2019

SUR LE MÊME THÈME

Lu d'ailleurs De l’avantage d’être un État fantôme
Médiocres milléniaux
Espionne et mère de famille  

Dans le magazine
BOOKS n°123

DOSSIER

Faut-il restituer l'art africain ?

Chemin de traverse

13 faits & idées à glaner dans ce numéro

Edito

Une idée iconoclaste

par Olivier Postel-Vinay

Bestsellers

L’homme qui faisait chanter les cellules

par Ekaterina Dvinina

Voir le sommaire