La première drogue psychédélique
Publié le 25 juin 2019. Par Pauline Toulet.
Mike Jay est un spécialiste britannique de l’histoire des drogues. Dans son dernier ouvrage, il s’intéresse à une substance hallucinogène, la mescaline. Cet alcaloïde provient de deux variétés de cactus que l’on trouve principalement dans les Andes péruviennes et au Mexique. « L’analyse de Jay est pleine de nuances, elle examine les usages et les effet de la mescaline au sein d’une grande variété de contextes historiques et culturels », commente Ian Sansom dans The Guardian.
La mescaline se trouve être l’une des drogues psychédéliques les plus anciennes du monde, apprend-on. Certaines civilisations précolombiennes en consommaient lors de cérémonies rituelles : la transe induite par ce psychotrope permettrait d’entrevoir des événements futurs. À la suite de la conquête espagnole du Mexique, au XVIe siècle, la mescaline se fraya un chemin jusqu’en Europe. Synthétisée en 1919, elle intéressa les médecins qui espéraient pouvoir en tirer un traitement contre la schizophrénie, raconte Mike Jay.
Pendant la Seconde guerre mondiale, des médecins nazis cherchèrent à s’en servir comme d’un « sérum de vérité » – l’expérimentation ne fût guère concluante. Ce n’est qu’à partir des années 1950 que les milieux intellectuels et artistiques s’éprirent des effets hallucinogènes de la mescaline. Certains ambitionnèrent de décrire les niveaux supérieurs de conscience auxquels elle leur donnait accès, comme Aldous Huxley dans Les Portes de la perception ou encore Henri Michaux dans Misérable miracle. Le livre de Mike « n’est pas toujours d’une lecture facile […] On peut se sentir submergé par les descriptions détaillées des expériences qu’ont eues certains personnes avec la mescaline ,», prévient Alison Abbott dans la revue Nature. Car si certains disent avoir eu des visions extatiques d’une beauté inouïe, pour d’autres, l’expérience a tourné au cauchemar. À l’instar de Sartre qui, après s’être fait injecter de la mescaline sous contrôle médical, voyait des crabes monstrueux le poursuivre. Et ses hallucinations continuèrent plusieurs mois après que la drogue eut cessé d’agir : « Ils me suivaient dans la rue, en classe. Je me réveillais le matin et leur disais : “Bonjour les petits, avez-vous bien dormi ?” », avait-il confié au journaliste John Gerassi dans Entretiens avec Sartre.
À lire aussi dans Books :« Drogues : un étrange renversement de l’histoire », septembre 2010.