La quête d’Ariana Neumann

Lorsqu’à 8 ans, Ariana Neumann s’amuse à explorer le bureau de son père en jouant à l’espionne, elle ne pouvait imaginer qu’elle découvrirait un véritable secret de famille. Dans une boîte, elle trouve une carte d’identité où figure la photo de son père, mais portant un autre nom que le sien. Adulte, cette découverte ne cessera de la hanter, mais ce n’est qu’en 2001, à la mort de son père, qu’elle se sentira en droit d’explorer son histoire familiale. Dans When Time Stopped, elle exhume le passé douloureux d’un homme qui n’a jamais réussi à en parler à quiconque.

Une histoire de famille

L’auteure savait que son père, Hans Neumann, était originaire de Prague, qu’il s’était installé à Caracas, au Venezuela, en 1949, où il avait rencontré sa mère et où elle-même était née. Ce qu’elle ignorait, en revanche, c’est qu’il était juif, avait réchappé par trois fois à la déportation et vu périr 25 membres de sa famille dans les camps de la mort. « Neumann n’a pas ménagé ses efforts pour tirer le maximum des archives : elle a fait appel à des chercheurs et à des spécialistes de la Shoah à Prague, Berlin et Londres, et elle a retrouvé des descendants des personnes qui ont permis à Hans d’échapper aux nazis », pointe l’écrivaine et biographe Sara Wheeler dans The Times Literary Supplement.

En 1942, les parents de son père sont envoyés au camp de concentration de Theresienstadt, découvre Neumann. Ils y survivront pendant près de deux ans avant d’être déportés à Auschwitz. En 1943, lorsque Hans reçoit sa troisième convocation lui intimant de se présenter à l’Office central pour l’émigration juive, il décide de quitter Prague où la situation devient trop dangereuse. Sous couvert d’une fausse identité, il part pour Berlin où, au cœur du Reich, il travaillera comme expert pour une usine de peinture.

La quête du père

« Vu la kyrielle de personnages hauts en couleur et de coups de théâtre que contient le livre, Neumann aurait pu transformer son enquête minutieuse en roman historique. À la place, elle a écrit une superbe chronique familiale, dont la puissance émotionnelle se déploie à plusieurs niveaux. Oui, son récit de l’épopée d’une famille juive de Prague tentant de déjouer les plans des nazis est passionnant à lire. Mais sa réflexion lucide sur la mémoire, l’identité et les souvenirs est tout aussi digne d’intérêt », estime Corinna da Fonseca-Wollheim dans The New York Times.

À lire aussi dans Books : Les amants d’Auschwitz, avril 2020.

LE LIVRE
LE LIVRE

When Time Stopped: A Memoir of My Father’s War and What Remains de Ariana Neumann, Scribner, 2020

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