La récré, un bouillon de culture
Publié le 2 septembre 2016. Par La rédaction de Books.
Malgré l’image d’Epinal des enfants qui se ruent dehors au son de la cloche, la récréation n’est pas un moment anarchique. Après avoir observé les mœurs étranges des bambins dans les cours d’école, l’anthropologue Julie Delalande note que c’est là le lieu de la transmission d’une certaine culture. Dans cet espace de liberté, explique-t-elle dans La Cour de récréation, les enfants mettent en place des règles et s’y soumettent dans le seul but de nouer entre eux des liens, de se faire leur place au sein du groupe. Ces jeux les rassemblent et les conduisent à se transmettre, sans en avoir l’air, des savoirs et des valeurs : « une culture enfantine ». Dès le XIXe siècle, les folkloristes français ont d’ailleurs recueilli ce savoir. Rimes et Jeux de l’enfance, publié en 1883 par Eugène Rolland, rassemble des comptines de diverses régions. On y trouve, par exemple « une poule sur un mur… », formulette toujours d’usage aujourd’hui. Le savoir se transmet ainsi d’enfant à enfant, et d’une génération à l’autre. Confronté à cette survivance des jeux (billes, corde à sauter, gendarme et voleurs ou jeu de chat existent encore) et comptines, les folkloristes et ethnologues ont cherché à déchiffrer le conformisme apparent de la culture enfantine. Julie Delalande n’y voit pas un conservatisme instinctif des petits. « L’idée d’une population enfantine conservatrice est celle qu’un adulte peut se faire de ses occupations, écrit-elle. Mais du point de vue des enfants, il est peu probable que la cour d’école apparaisse comme un conservatoire de jeux anciens. » De fait, un gamin qui se met à pratiquer un jeu en fait la découverte comme s’il venait d’être inventé. A chaque âge, en s’initiant à de nouveaux jeux, les enfants se transmettent donc les règles fondamentales tout en se permettant des innovations. La culture enfantine est une culture vivante, « sa base connaît une continuité mais elle évolue grâce aux influences extérieures et à son propre trajet ».