Le romantisme du SDF
Publié le 15 mars 2019. Par La rédaction de Books.
Rosie Davies, Copyright Element Pictures
Dans Rosie Davis, le cinéaste irlandais Paddy Breathnach expose de manière naturaliste le quotidien d’une famille dublinoise contrainte de vivre dans une voiture.
La littérature aussi montre une fascination pour la vie des sans-abri. Des écrivains en ont fait eux-mêmes l’expérience : Jack London en a tiré Le Peuple de l’abîme en 1903 et George Orwell Dans la dèche à Paris et à Londres en 1933. Mais ces écrits conservent toujours une touche romantique, note John Allen dans Homelessness in American Literature.
Selon ce professeur de littérature anglo-américaine, ce qui nous captive chez les sans-abri c’est qu’ils se situent dans un entre-deux. Ils nous intéressent parce que leur situation n’est pas commune mais qu’elle ne nous est pas étrangère au point d’être incompréhensible.
Il rappelle que les biographies de clochards ont connu un âge d’or entre 1870 et 1940. Toutes partageaient les mêmes caractéristiques : une sensibilité intellectuelle ou littéraire, un ton optimiste, un sens de la liberté et de l’aventure, l’absence de critique de la culture dominante et un retour à la vie « normale ». Toutes sous-entendaient qu’être sans-abri était un choix individuel et non une nécessité économique.
D’autant que pour bon nombre de leurs auteurs, la vie dans la rue n’est qu’une expérience qu’ils ne mènent pas sans filet. George Orwell retranscrit les sensations d’une personne qui se retrouve à la rue. Il décrit le sentiment de soulagement, presque de plaisir d’y être tombé, après l’avoir tant attendu, et d’être capable de le supporter. Il donne aussi une description particulièrement saisissante de la sensation de faim après avoir passé plusieurs jours sans manger. Mais, même s’il semble toucher au cœur de la vie d’un marginal, lui-même savait pouvoir compter sur le soutien d’une tante.
Le poète gallois W. H. Davies, qui a raconté ses années de vagabondage aux États-Unis et au Canada dans Carnets d’un hobo (1908), avait choisi la vie de SDF, préférant payer l’impression de ses poèmes qu’un loyer. Pour lui, le clochard n’était pas un fléau social mais juste un type dans la dèche.
À lire aussi dans Books : Les pauvres, ce marché très lucratif, juin 2016.