La saga du baclofène (7) – L’efficacité du médicament confirmée

Les études en double aveugle contre placebo confirment l’efficacité du baclofène à fortes doses dans l’addiction alcoolique.


Baclofen, National Institutes of Health
  « Je n’ai pas connaissance que l’on ait rapporté une suppression totale par un traitement médicamenteux du craving ni des autres symptômes et conséquences de la dépendance à l’alcool, ni chez les Alcooliques Anonymes, ni par la thérapie cognitivo-comportementale, ni dans les centres de cure, ni dans la littérature médicale. Je décris ici comment, pendant déjà neuf mois consécutifs, en utilisant de fortes doses de baclofène, j’ai réussi à supprimer complètement tous les signes et conséquences de la dépendance à l’alcool, tout en contrôlant, et pour la première fois, une anxiété réfractaire associée. » C’est ainsi qu’Olivier Ameisen débutait la discussion de sa célèbre auto-observation publiée en décembre 2004. Par la suite, de nombreux travaux ont été menés pour confirmer cet effet positif du baclofène à fortes doses dans l’addiction à l’alcool. Sans attendre, certains médecins, généralistes, psychiatres ou addictologues, ont prescrit ce traitement, confortés par les résultats favorables qu’ils observaient chez leurs patients. Sous la pression des associations de malades et des médecins prescripteurs, l’Agence nationale de sécurité du médicament a recommandé ce traitement en délivrant une autorisation temporaire d’utilisation en mars 2014, à la dose maximale de 300 mg par jour. Les études observationnelles de suivi de cohortes montrent un taux de succès (abstinence ou consommation sans danger et maîtrisée) du baclofène à fortes doses chez les patients souffrant de dépendance à l’alcool supérieur à 50 % à un an, avec maintien de ces bons résultats à deux et trois ans. Il fallait aussi convaincre les sceptiques par des études en double aveugle contre placebo (ni le médecin, ni le patient ne savent si le traitement pris est le produit actif ou un placebo, dépourvu de tout effet pharmacologique), ce qui constitue le niveau de preuve d’efficacité le plus élevé. De telles études sont indispensables aussi pour l’obtention d’une autorisation de mise sur le marché par un laboratoire pharmaceutique. La première de ces études en double aveugle contre placebo, l’étude Baclad, a été publiée par des auteurs allemands en 2015. Le traitement actif était prescrit jusqu’à la dose de 270 mg par jour. Portant sur 56 patients et d’une durée de 24 semaines, elle montre une efficacité du baclofène sur le maintien de l’abstinence statistiquement significative. Trois autres études en double aveugle contre placebo ont été présentées à Berlin le 3 septembre 2016 lors du Congrès mondial sur l’alcool et l’alcoolisme. La plus attendue était l’étude Bacloville menée en France et coordonnée par le Pr Philippe Jaury, un des pionniers de l’utilisation du baclofène à fortes doses dans l’addiction à l’alcool. Les deux autres, l’étude française Alpadir (320 patients, mais dont 40% sont sortis prématurément de l’étude) et une étude hollandaise (151 patients), chacune d’une durée de six mois, utilisaient des doses de 180 mg au maximum pour la première, 150 mg pour la seconde, posologies considérées par les spécialistes du baclofène comme trop faibles. Si l’on s’en tient au critère de réduction des risques (abstinence ou diminution de la consommation à un niveau sans danger pour la santé, tels que définis par l’Organisation mondiale de la santé, soit au maximum 20 grammes d’alcool par jour chez les femmes, 40 chez les hommes), l’étude Alpadir est néanmoins positive. L’étude Bacloville a porté sur 320 patients (dont 32 % sont sortis prématurément de l’étude) et a duré un an. La dose maximale utilisée était de 300 mg. Elle a été menée en ville par des médecins généralistes, sans critères d’exclusion trop nombreux, afin de correspondre au mieux à la pratique courante et de couvrir l’ensemble de la population susceptible de bénéficier du traitement étudié. Les résultats de Bacloville sont positifs et finissent de démontrer l’efficacité du baclofène dans l’alcoolisme : au 12e mois, 56,8 % des malades traités étaient abstinents ou avaient une consommation modérée, contre 36,5 % dans le groupe placebo, toutes les sorties d’essai ayant été considérées comme des échecs. Ce pourcentage de succès est le même que celui observé dans les études de suivi de cohortes, soit plus d’un patient sur deux inclus et traité qui se libère de l’esclavage de l’alcool grâce au baclofène. Une analyse approfondie de l’ensemble de ces résultats doit encore être menée, en particulier pour évaluer le rapport bénéfice/risque du baclofène à fortes doses et définir les meilleures stratégies thérapeutiques. En effet, les effets indésirables sont multiples, bien que la pratique nous apprenne comment en minimiser le risque d’apparition. De plus, le baclofène, qui est incontestablement le médicament le plus actif contre l’addiction alcoolique, n’est pas une panacée et doit très souvent s’intégrer dans une prise en charge globale, prenant en compte les aspects psychologiques et sociaux liés à l’alcoolisme. En avril 2014, débutant cette saga, j’écrivais : « Confirmée depuis par de nombreux autres prescripteurs, cette découverte heurte de nombreux intérêts et devra franchir de nombreux obstacles avant d’être reconnue à sa juste valeur. » Un obstacle majeur vient d’être franchi. Réjouissons-nous en pour les patients et ayons une pensée très émue pour Olivier Ameisen, qui nous a quittés avant d’avoir connu ces résultats décisifs. Bernard Granger

Retrouvez tous les articles de cette série consacrée au baclofène

1. La saga du baclofène (1). 2. La saga du baclofène (2). 3. Le vent tourne. 4. La servilité du Quotidien du médecin. 5. Deux livres, un même message d'espoir. 6. Le legs d'Olivier Ameisein 7. L'efficacité du médicament confirmée.    

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