Lu d'ailleurs
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La précision du doublage chez Stanley Kubrick

En 1978, Vicente Molina Foix, natif de la province d’Alicante, enseignait la littérature espagnole à l’université d’Oxford lorsqu’il reçut un coup de téléphone décisif. Au bout du fil, le réalisateur aragonais Carlos Saura, mandaté par la Warner pour diriger le doublage de la version espagnole du film de Stanley Kubrick, Orange mécanique. Seulement voilà : le script et les sous-titres en castillan envoyés par la production sont émaillés d’anglicismes et nécessitent d’être entièrement revus. C’est ainsi que Vicente Molina Foix, qui jouissait à l’époque d’une notoriété naissante suite à la publication d’un recueil de poésie et de deux romans, commença à travailler avec le célèbre réalisateur américain. Leur collaboration se poursuivra pendant vingt ans, sur cinq films, jusqu’à la mort de Kubrick en 1999. Dans Kubrick en casa, l’écrivain espagnol se penche sur les enjeux du travail de traduction, évoquant ses difficultés à retranscrire le jargon ordurier des Marines de Full Metal Jacket (1987) ou à laisser transparaître la folie croissante du personnage incarné par Jack Nicholson dans Shining (1980).

Confession d’un traducteur

« L’ouvrage de Molina Foix a une triple visée : contribuer à l’analyse critique du style de Kubrick, disséquer différents aspects concrets des films dont l’auteur s’est vu confier la traduction et esquisser un portrait sur le vif de la personnalité du cinéaste », commente Manuel Hidalgo dans le magazine El Cultural. Molina Foix s’inscrit en faux contre la réputation de tyran égomaniaque de Kubrick. Il est vrai que le réalisateur avait une certaine obsession pour le contrôle : il imposait à la production de pouvoir choisir lui-même le directeur du doublage et le traducteur des sous-titres (souvent des réalisateurs et des écrivains dont il appréciait le travail), et cela pour chacune des versions étrangères de ses films. Mais pour Molina Foix, il s’agissait avant tout d’un souci de rigueur : « On le disait maniaque, et selon moi son comportement n’était pas guidé par la vanité mais, bien au contraire, par la modestie. Il bataillait pour que son travail parvienne dans les meilleures conditions possibles aux habitants de Murcie, de Tokyo… Je trouvais cela émouvant de voir Kubrick, l’un des plus grands réalisateurs de l’histoire du cinéma, s’intéresser de près à ces détails », confie-t-il au quotidien El País.

À lire aussi dans Books : Cecil B. DeMille, copie neuve, novembre 2010.

LE LIVRE
LE LIVRE

Kubrick en casa de Vicente Molina Foix, Anagrama, 2019

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