Tintin la gaffe
Publié dans le magazine Books n° 38, décembre 2012.
Les albums que nous connaissons sont depuis longtemps expurgés. Mais les Anglais sont moins sensibles que les Français ou les Suédois au passé antisémite et collaborateur de Hergé.
« Tintin n’a jamais vraiment pris en Amérique », note Charles McGrath dans le New York Times, et le film de Spielberg n’a pas suffi à changer la donne. En revanche, le petit reporter fascine outre-Manche, où abondent les tintinologues. Dans la London Review of Books, Christopher Tayler explique cet engouement par le singulier parallèle entre la vie du poète, adulé des Anglais, T. S. Eliot et celle de Hergé. Voilà deux grands créateurs, ultra-reconnus chez eux ; la vie de famille ne les intéresse guère, la philosophie orientale et l’Église davantage ; tous deux subissent vers le milieu de leur vie une grave crise psychologique et conjugale, qu’ils soignent pareillement par des séjours thérapeutiques en Suisse et le remariage avec une jeunette – laquelle, veuve, deviendra l’implacable gardienne de leur temple. Enfin, tout deux ont flirté avec le fascisme et l’antisémitisme.
Quoi qu’il en soit, les tintinologues anglophones ont désormais du grain à moudre avec la ...