Écran noir
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Totoro, prof d’économie


Mon voisin Totoro, studio Ghibli

Pour Never-ending Man (sur les écrans cette semaine), le documentariste Kaku Arakawa a suivi pendant deux ans le réalisateur de films d’animation japonais Hayao Miyazaki. Celui-ci a beau avoir annoncé en 2013 qu’il prenait sa retraite, il serait en train de préparer un nouveau long-métrage. Dans Miyazakiworld, Susan Napier, universitaire spécialiste de la culture japonaise, étudie un par un tous ses films, proposant pour chacun d’eux plusieurs niveaux de lecture. Elle offre notamment un point de vue étonnant sur Mon Voisin Totoro. Sorti en 1989, le film raconte l’histoire de deux sœurs, Satsuki, 10 ans, et Mei, 4 ans, qui déménagent avec leur père à la campagne pendant que leur mère est soignée dans un sanatorium. Les fillettes sont soutenues dans leur nouvelle vie par Totoro, un gros animal imaginaire (croisement entre un ours, un chat et un panda). Il y a dans ce dessin animé beaucoup de la propre enfance de Miyazaki, précise Napier. La mère du cinéaste souffrait de la tuberculose, et il a dû faire face très jeune à ses absences et à la peur de la perdre. Dans le film, les fillettes évoluent dans une petite communauté rurale dont les membres s’entraident et respectent la nature. Mon Voisin Totoro, le premier film de Miyazaki qui se déroule au Japon, semble hors du temps, d’une nostalgie bon enfant. Pourtant c’est une vive critique de la société japonaise des années 1980, note Napier. L’archipel est alors en pleine bulle économique. Quelques mois après la sortie du film, Miyazaki, toujours très franc avec la presse, dit dans une interview détester l’économie japonaise et les Japonais obnubilés par le matérialisme. L’année suivante, il réalise Kiki, la petite sorcière, qui, selon Napier, possède aussi un sous-texte économique. L’apprentissage de l’autonomie, y compris financière, par la jeune héroïne est à relier aux changements induits par l’entrée des jeunes Japonaises sur le marché du travail. Et Le voyage de Chihiro (sorti en 2001) traiterait lui des conséquences de l’éclatement de la bulle économique. Tandis que les parents de l’héroïne se goinfrent de nourriture et sont transformés en cochons par la sorcière Yubaba, la fillette prend un emploi dans l’établissement de bains de Yubaba pour les sauver.

À lire aussi dans Books : La fabrique de l’âme japonaise, octobre 2011.

LE LIVRE
LE LIVRE

Miyazakiworld de Susan Napier, Yale University Press, 2018

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