Un régime pas si islamique
Publié le 27 janvier 2016. Par La rédaction de Books.
Dans « République islamique », c’est souvent le second terme qui retient l’attention de l’opinion occidentale. Mais la nature républicaine du régime est au moins aussi importante. Le chercheur Thierry Coville le rappelle dans Iran, la révolution invisible. Certes, la Constitution inscrit le pouvoir religieux au cœur du système. Les institutions d’inspiration démocratique sont systématiquement encadrées et contrôlées par les institutions émanant de la sphère religieuse. Mais, dans la pratique, le jeu est subtil entre les deux sources de légitimité (populaire et islamique) du régime : « Le fonctionnement de la République islamique a montré que, très souvent, la logique politique dominait la logique religieuse », écrit Thierry Coville.
Un exemple : quand le Parlement et le Conseil de surveillance de la Constitution (chargé notamment de veiller à la compatibilité des lois avec l’islam) ont été incapables de se mettre d’accord sur une ligne économique dans les années 1980, le régime n’a pas plaidé pour l’application des préceptes islamiques en la matière. Il a créé une institution purement politique, le Conseil de discernement de l’intérêt supérieur du régime, pour arbitrer.
Le Guide de la Révolution, l’ayatollah Khomeyni lui-même, a très souvent accordé la primauté à la politique. En 1988, il a ainsi reproché publiquement au Président de la République d’avoir déclaré que l’autorité du gouvernement islamique ne pouvait s’exécuter qu’à l’intérieur du cadre des ordonnances définies par la Loi Sacrée. Il l’a contredit en soutenant que « le gouvernement islamique peut abroger unilatéralement des stipulations légales » (conformes à la charia).
En prévision de sa succession, Khomeyni a également fait modifier la Constitution afin de permettre à Ali Khamenei de devenir Guide suprême, alors qu’il n’avait pas l’autorité religieuse théoriquement nécessaire. Une fois nommé, celui-ci a compensé ce handicap en investissant massivement le champ politique et en « étatisant » l’institution religieuse : le clergé intermédiaire a été intégré dans l’appareil d’Etat (via des postes de juges, d’enseignants, de diplomates, etc.), et ainsi placé dans une situation de dépendance inédite en Iran.
En savoir plus : Qui gouverne l’Iran, Books, mars 2009.